Bryan Cranston
Dalton Trumbo, c’est ce scénariste et romancier américain qui reçut pas moins de deux oscars pour des scénarii écrits sous des pseudonymes, étant interdit d’activité à partir de 1950, par la Commission des Affaires Anti-Américaines du Congrès, pour son appartenance passée au Parti Communiste US, avant que son identité soit rétablie comme auteur des scènarii de “Spartacus” (Stanley Kubrick) et de “Exodus” (Otto Preminger) en 1960.
Il fit ainsi partie des “Dix d’Hollywood”, auteurs et scénaristes suspectés d’inoculer le communisme dans leurs films, et qui se virent poursuivis pour leur refus de répondre à la commission d’enquête du Congrès présidée par le sénateur Mac Carthy, les interrogeant sur leurs opinions politiques, avant que d’être condamnés à des peines de prison, et surtout de figurer sur une liste noire qui leur interdit alors de travailler pour la production cinématographique américaine.
La façon un peu délirante d’évoquer la paranoïa anti-communiste américaine des années cinquante vue par les frères Coen dans “Ave Cesar” (voir Magcentre) était finalement plus “réaliste” que cette manichéenne et clinquante reconstitution des rivalités hollywoodiennes. L’essentiel du personnage de Dalton Trumbo se résume en un forcené de la “Remington” qu’il frappe de plus en plus frénétiquement, en fumant et avalant force scotchs et autres amphétamines. Évidemment, celui-ci devient au fil du temps et des scénarii écrits en quelques jours, de plus en plus insupportable pour la pauvre famille de ce génial auteur voué à la clandestinité.
Dommage quand même que le film s’abstienne totalement d’expliquer l’adhésion de 1943 à 1948 de Dalton Trumbo au Parti Communiste US et le rôle que ce parti joua dans la vie politique américaine, hormis une brève allusion à l’affaire Rosenberg. La seule scène “politique” du film, c’est quand Dalton Trumbo explique à sa fille que le communisme, c’est quand elle partage son gouter à l’école avec une camarade qui n’en n’a pas…
Dommage aussi que le film évite d’évoquer le pacifisme de Trumbo et son engagement contre la guerre qui le conduiront à réaliser un unique chef d’œuvre “Jonnhy got his gun”, primé à Cannes en 1971, en pleine guerre du Viet-Nam, film adapté de son roman éponyme écrit en 1939.
Certes la prestation de Bryan Cranston, en une sorte de one man show tant il est présent dans presque tous les plans du film, ne manque pas de panache, mais cette sinistre page de l’histoire des États Unis aurait mérité un vrai biopic écrit par un scénariste à la hauteur du sujet…
Gérard Poitou
“Dalton Trumbo” un film de Jay Roach 2 h 04
Avec Bryan Cranston, Diane Lane, Helen Mirren