En programmant ce magnifique “Tabou”, ce lundi soir, le Printemps des cinémas de la Méditerranée rendait hommage à sa façon, à la Révolution des Œillets qui renversa le 24 avril 1974, la dictature salazariste, épuisée par une atroce guerre coloniale sans fin qui dévasta le Mozambique, l’Angola et la Guinée Bissau,
“Tabou” est un film étrange et envoutant… Le récit d’un amour clandestin qui devient une mélancolique construction narrative sur la mémoire et le souvenir, dans un univers visuel d’un somptueux noir et blanc, jouant subtilement avec le contraste et le piqué photographiques au gré des plans, avec une image au format carré qui pourrait sembler désuète si elle ne concentrait soudain le regard sur l’essentiel, dans des cadrages toujours justes, laissant les paysages pour ce qu’ils sont: un décor au récit…
Et puis cette bande son minimaliste, qui ne donne à entendre le son que lorsque c’est nécessaire, créant dans le silence omniprésent une ambiance de recueillement (de mémoire), aux antipodes des productions saturées d’ambiance et de musique. Ces choix formels du réalisateur donnent une force, une violence, à une histoire racontée et datée mois après mois. Une belle histoire d’amour qu’il serait indécent de raconter ici, tant la tension autour de la mémoire des protagonistes narrateurs donne toute sa force à ce récit dans le décor d’une Afrique coloniale désuète, au moment où celle-ci va basculer dans la guerre de libération…
Un film envoutant comme le fut le paradis perdu de “Tabou” , le film de Murnau (1931) auquel le titre du film fait évidemment référence (ou révérence…)
Gérard Poitou