Lui-même ancien interne, le cinéaste Thomas Lilti a connu un premier succès d’estime avec un film autobiographique, Hippocrate, (voir Magcentre) récit initiatique en milieu hospitalier qu’il poursuit ici, dans ce Médecin de campagne, autre expérience vécue par le réalisateur-docteur.
Et pas de doute, le naturalisme des situations décrites avec ces patients rudes et ruraux (dont beaucoup sont des comédiens non-professionnels) traite avec sensibilité et subtilité la relation complexe que ce médecin bougon et solitaire entretient avec sa clientèle. Son dévouement jusqu’au sacrifice de sa propre vie personnelle, en fait un personnage aussi exemplaire qu’ambigüe, et l’intrusion d’une remplaçante tout sourire, qu’il maltraite à qui mieux mieux, nous en révèle les limites.
Car ce curé-médecin est-il un modèle ? Le film, au delà du récit de la vie quotidienne de ce médecin rural, développe un message appuyé sur la place de la médecine dans notre société en se livrant à un panégyrique d’un passé villageois qui rimerait avec humanité perdue. Jusqu’à cette scène du conseil municipal où le maire essaie vainement de le convaincre de l’utilité d’une maison de santé dans le village, à laquelle le docteur oppose l’organisation de la solidarité entre villageois pour assurer la fin de vie à domicile de son patient. Et la ville si proche, comme l’hôpital deviennent des repoussoirs, bien que notre médecin, lui-même atteint d’un cancer, s’y rende pour accéder aux outils de soin les plus sophistiqués.
Là où un Balzac monarchiste et réactionnaire, faisait du dévouement de son Médecin de Campagne le moteur d’une modernité scientifique transformant la vie rurale du Dauphiné, ce nouveau Médecin de Campagne veut avec cette description, certes documentée et touchante, d’un passé révolu, en faire un peu trop une leçon de morale pour l’avenir.
Gérard Poitou
“Médecin de Campagne” un film de Thomas Lilti 1 h 42
avec François Cluzet et Marianne Denicourt