Blanche neige et les “8 Salopards”

Le film s’ouvre sur une scène totalement grandiose (dommage que les Carmes programme ce film dans leur plus petite salle), d’une diligence s’acharnant à avancer en affrontant le blizzard dans le paysage glacial et désolé des montagnes du Wyoming enneigée. Avec la musique d’Enio Morricone qui nous arrache de notre fauteuil, nous voilà soudain hors du temps dans un espace hostile et fantastique où tout peut arriver…

8 salopards

“Action !”

Et quand l’action commence, c’est à la hache que Tarantino découpe le dialogue de brutes qui s’engage entre les deux chasseurs de primes: la caméra virevolte (et nous avec) autour de la diligence dans un montage frénétique où la continuité spatiale n’a plus aucune importance dans cet enchainement de plongée/contre plongée, gros plan/ plan large et rattrapage de point à l’arrache !

Le western se pose alors dans cette mercerie-auberge où bien des personnages à la mine patibulaire (“mais presque” aurait dit Coluche) ont trouvé refuge en attendant la fin de cette folle tempête, et dans un respect parfait des unités de la tragédie classique de temps, de lieu et d’action, Tarantino nous livre près de deux heures de dialogue incisif entre ces huit salopards sans foi ni loi mais diablement tordus, avec en toile de fond une version théâtrale de l’histoire des Etats Unis, dont certains disent qu’elle parle trop, comme si l’on pouvait dire que les dialogues chez Shakespeare étaient trop longs…

“Un noir n’est en sécurité que si le blanc est désarmé”  Major Marquis Warren

Avec ce retour sur l’après guerre de Sécession, Tarantino nous replonge dans un de ses sujets de prédilection, cette plaie toujours ouverte du rapport entre les blancs et les noirs, quand il aura fallu près de deux siècles pour que la plus ancienne communauté immigrée aux Amériques, voit l’un de ses membres élu à la présidence des Etats Unis.
Que dire alors du passé de nos guerres coloniales et de la lâcheté mémorielle qui caractérise encore bien de nos discours historiques ?…

Après les spaghettis, voici la sauce tomate

SAMUEL L. JACKSON and WALTON GOGGINS star in THE HATEFUL EIGHT

SAMUEL L. JACKSON and WALTON GOGGINS star in THE HATEFUL EIGHT

Et puis avec roublardise, pour en remettre une couche dans le suspens, le narrateur intervient en voix off au début du chapitre quatre, quand le western se transforme en version “Dix petits nègres” d’Agatha Christie, où les protagonistes-suspects vont s’éliminer un à un dans un huis clos où le colt devient le bras armé de la fatalité, nous plongeant dans une pornographie sanguinolente, bien inutile au propos du film, mais qui semble l’indispensable signature d’un film de Tarantino. Dommage !

Gérard Poitou

“Les huit Salopards” le huitième film de Quentin Tarantino   2 h 48
avec Samuel Jackson, Kurt Russel, Jennifer Jason

interdit au moins de douze ans

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