Pas de doute, l’actualité du texte de Shakespeare nous saisit une nouvelle fois par sa force tragique, avec cette intelligence si fine de la condition humaine, entre discours politique et analyse psychologique. En un temps où tout un chacun cite “nos valeurs” comme rempart à la barbarie, il n’est pas inutile de revisiter ce classique shakespearien, qui nous conte un quasi mythe fondateur de notre civilisation dans sa dénonciation du crime comme moyen de conquête du pouvoir, tragédie, ô combien contemporaine, qui confronte sans cesse culpabilité individuelle et destin collectif, pour nous conduire à la catharsis, “à la purgation des passions” chère à Aristote, dans un ultime “tu ne tueras point” qui résonne avec tant de force dans l’actualité d’aujourd’hui.
Alors bien sûr, les cinéphiles vieillissants ne manqueront pas de comparer l’adaptation de Macbeth de Justin Kurzel aux versions légendaires d’Orson Welles (1948), de Kurosawa (1957) ou de Polanski (1971), et il est évident que Marion Cotillard anglophone est une bien pâle Lady Macbeth dans un rôle titre où le statut de tragédienne lui fait cruellement défaut, comme cette mise en scène flamboyante, au sens propre comme au sens figuré, qui surligne lourdement le tragique shakespearien de rouge, qu’il soit du sang de la violence des batailles, ou de ces ciels en surimpressions dignes d’un mauvais effet photoshop.
Mais le génie de Shakespeare est là, sauvant le film par la puissance de son texte, magnifiquement servi par un Macbeth halluciné par son addictive cruauté ( Michael Fassbender), le dramaturge élisabéthain réussit, une fois encore, et en dépit des lourdeurs esthétiques de la mise en scène, à nous plonger, enveloppés par les brumes de l’Écosse moyenâgeuse, dans une méditation contemporaine sur la cruauté tragique du destin humain.
Gérard Poitou
“Macbeth” un film de Justin Kurzel 1 h 53
avec Marion Cotillard et Michael Fassbender
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