Le conseil des ministres de vendredi a confirmé les nouvelles capitales des régions recomposées, Strasbourg, Toulouse, Lyon, Bordeaux, Dijon, Rouen et Lille. Quant à Orléans, elle reste capitale de la région Centre-Val de Loire. Ce n’est pas une surprise, le “titre” d’Orléans n’a jamais été menacé après que les projets de fusion avec Auvergne, Poitou-Charentes et Pays-de-la-Loire ont été abandonnés.
Orléans
Tours
Certains élus, de droite et de gauche, ont beau clamer sur les toits qu’ils ont sauvé Orléans d’une relégation comme Clermont-Ferrand, Amiens ou Montpellier, tels des Jeanne d’Arc boutant l’Anglais, personne n’imaginait qu’Orléans pût être déchue. Même si, respectant la vieille rivalité “clochemerlesque”, le nouveau maire de Tours, Serge Babary, avait un temps caressé quelques velléités de basculement d’Orléans à Tours, rien n’a bougé.
Une guerre fratricide
Mais au fait pourquoi Orléans, ville moins peuplée et excentrée au nord de la région Centre (son nom à l’époque) a-t-elle été choisie en 1964 (84 000 contre 108 000 habitants, 180 000 pour l’agglomération de Tours contre 143 000 pour celle d’Orléans) comme capitale régionale au détriment de Tours? Deux explications à cela: d’une part le Loiret bénéficiait d’un préfet considéré comme “exceptionnel”, un grand commis de l’Etat, Jacques Dupuch. Des qualités qui firent de lui un préfet de région et qui ont fait certainement pencher la balance.
D’autre part, la guerre fratricide que ce sont livrés deux fortes personnalités régionales qui se détestaient. En réalité, le préfet s’est engouffré derechef dans cette rivalité historique entre deux hommes de droite, conservateurs, tous deux gaullistes et issus du même département. D’un côté Michel Debré, le premier Premier ministre de la cinquième République, fidèle d’entre les fidèles du Général de Gaulle. De l’autre Jean Royer, le bâtisseur de Tours (maire de 1959 à 1995) qui fut aussi le créateur de l’EPALA (Etablissement public d’aménagement de la Loire et de ses affluents) et le “Monsieur barrage”, plus tard détesté par les écologistes. Et accessoirement le “père la rigueur” qui interdit un cinéma porno dans sa ville.
Debré battu aux législatives
Pour Jean Royer, Michel Debré ne voulait pas que Tours grossisse et relègue aux oubliettes de son château, Amboise, dont Michel Debré fut le maire de 1966 à 1989. Leur rivalité monta encore de plusieurs crans lorsque Michel Debré (le père de Jean-Louis), désireux de décrocher un siège de député après la dissolution de l’Assemblée nationale fut sévèrement battu aux législatives de 1962. Il en rendit responsable Jean Royer et alla se faire élire à la Réunion! A l’époque, on ne croisait pas beaucoup plus Michel Debré à Amboise, dont il était aussi conseiller général, qu’à Saint-Denis de la Réunion. Alors en 1964, à l’heure du découpage des régions, lorsqu’il fut question de trouver une capitale à cette improbable région Centre, Michel Debré imposa Orléans, au détriment de Tours.
L’Etat renforce Orléans
Dès lors, Orléans bénéficia non seulement des services régionaux de l’Etat (la régionalisation viendra plus tard en 1982) qu’on peut estimer à une dizaine de milliers d’emplois supplémentaires, mais l’Etat y délocalisera l’université, les services financiers de la Poste, le BRGM (Bureau de recherche géologique et minière) le CNRS (Recherche scientifique), l’INRA (Recherche agronomique)…d’où la création du quartier de la Source par le maire d’Orléans de l’époque, Roger Secrétain. C’était l’époque bien révolue où l’Etat avait une vraie politique d’aménagement du territoire…
Conseil régional du Centre-Val de Loire à Orléans
Auréolé de son titre capitale, Orléans n’eut de cesse de rattraper Tours dans tous les domaines, économique, culturel, urbain, universitaire… Tours, La belle endormie avait la réputation d’aimer les plaisirs de la vie, alors qu’à Orléans la bosseuse, on s’ennuyait ferme.
Depuis, la capitale régionale s’est, sans conteste mise à niveau et pas seulement parce qu’elle a rénové ses façades, ses pavés du centre ville, et ripoliné la Source. Elle a même pris au passage un tramway d’avance sur sa rivale d’Indre- et-Loire.
Dernière porte avant dépeçage
Le problème maintenant, c’est que la région Centre qui n’a pas pu convoler avec une autre et n’a obtenu que le hochet de l’appellation Val de Loire, est devenue une région naine, en terme démographique et de PIB. La dernière des treize. Alors en fait, peu importe qu’Orléans soit restée capitale. La seule façon de se hisser à la hauteur des autres capitales moyennes, Dijon ou Rouen, c’est d’imaginer une métropole ligérienne Orléans-Blois-Tours. Dans les années 1970, la DATAR (aménagement du territoire) parlait déjà de “métropole jardin”. C’est sans doute la dernière porte de sortie de la région Centre-Val de Loire, avant dépeçage. Il reste à espérer que le débat de la campagne des élections régionales, de septembre à décembre, portera surtout sur ces questions vitales.
Ch.B