“Le Labyrinthe du Silence”, la mémoire et la loi

labyrinthe

 

Le début du film nous laisse ébahis devant cette jeune génération d’allemands des années cinquante, élevés dans l’Allemagne de l’après guerre, qui affirment innocemment, ignorer l’existence d’Auschwitz, tout juste connu par quelques uns comme un camp d’internement quelque part à l’est … L’Allemagne, alors en pleine euphorie de la reconstruction, veut oublier, tourner la page et même, ce rescapé du camp  préfère le déni et l’oubli à l’indicible douleur, comme essayait aussi de le faire l’émouvante héroïne de “Phoenix” (voir Magcentre).

Et puis, comme le dit un officier de renseignement américain, “Vous étiez tous nazis, alors à quoi bon rouvrir le passé ?”. Mais la puissance de ce film, c’est de nous rappeler que la loi fonde nos sociétés, et le jeune et fougueux procureur Radmann (Alexander Fehling), qui a la rigueur de faire respecter cette loi pour les infractions au code de la route, sait aussi qu’un meurtre est un meurtre et qu’une société ne peut se reconstruire sur l’amnésie d’un meurtre collectif impuni. Découvrant la réalité du camp d’extermination, ce procureur de Francfort s’engage alors avec le soutien de son supérieur Fritz Bauer (Gert Voss), le vieux procureur victime du nazisme, dans une chasse acharnée aux anciens SS ayant “servi” à Auschwitz.

Bien sûr, s’ouvre la question complexe de la responsabilité collective, mais la loi est justement là pour éclairer les ténèbres de cette “banalité du mal”, pour reprendre l’expression d’Hannah Arendt (voir Magcentre), pour désigner la culpabilité individuelle qui permit le crime collectif. Le tribut à payer sera lourd sur les consciences de chacun, et si la justice ne fut pas, bien sûr, irréprochable, ce film nous montre combien le travail de ces quelques procureurs convaincus fut salutaire pour l’Allemagne contemporaine.

Un film fort, qui sait tisser le lien entre l’émotion, quand la beauté du chant remplace les mots des témoins survivants de l’horreur, et la réflexion politique, quand le vieux procureur nous rappelle obstinément, qu’une société se fonde sur une mémoire partagée, plus qu’un devoir, une nécessité…

Gérard Poitou

“Le Labyrinthe du Silence” un film de Giulio Ricciarelli  2 h 03

avec Alexander Fehling, André Szymanski, Fredericke Becht

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=FMEFFuYjYDk[/youtube]

 

labyrinthe du silence

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