En ce qui concerne l’égalité homme/femme la France peut et doit encore mieux faire. La journée internationale de la femme du 8 mars est l’occasion de mesurer le chemin parcouru et celui qu’il reste à accomplir, long, compliqué, ouvrant sur une indispensable et urgente évolution des mentalités.
Dans le monde occidental les Françaises occupent une place spécifique. Elles font partie de celles qui travaillent le plus ( 46% de la population active) tout en faisant le plus d’enfants (1,9 enfant par femme contre 1,3 en Espagne et Italie) Les écoles, les gardes d’enfants contribuent à cette performance. L’inégalité avec les hommes réside ailleurs dans la difficulté à faire carrière, dans les salaires, dans la citoyenneté effective, dans le partage effectif des tâches domestiques, dans les violences conjugales et le harcèlement sexuel au travail.
Les femmes ont largement entamé leur émancipation, elles ne l’ont pas terminé. Le premier traité sur « l’égalité des hommes et des femmes » celui qui ose pour la première fois le parallèle, est publié en 1622 par Marie de Gournay, nièce de Montaigne. Le XVIIIème siècle, celui des lumières, Rousseau en tête, se montre très misogyne. La révolution de 1789, proclame le principe de l’égalité entre tous les êtres humains mais les envisage du seul point de vue masculin. En fait, elle exclut officiellement les femmes de la démocratie.
Olympe de Gouges
Condorcet s’en émeut, Olympe de Gouges le conteste ouvertement et le paie de sa vie :« La femme a le droit de monter sur l’échafaud, elle doit avoir également celui de monter à la tribune » proclame -t-elle en même temps que « la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne »
En 1804, le Code civil napoléonien fait des femmes des mineures civiles dès leur mariage qui doit être leur seul but et réprime très durement leur adultère Au XIXè siècle Flora Tristan et George Sand réclament l’égalité civile pour les femmes qu’elles jugent considérées comme des esclaves.
Les choses avancent dans l’enseignement ,lentement, plus pour répondre au progrès industriel qu’à l’affranchissement féminin. En 1850, la loi Falloux impose une école pour les filles dans toute commune de plus de 800 habitants. En 1861, pour la première fois, une fille, Julie Daubié est autorisée à passer le baccalauréat qu’elle obtient et en 1867, Victor Duruy crée les premiers lycées de filles.
Victor Hugo pour l’égalité des sexes
En 1872 Victor Hugo réclame l’égalité des sexes ce qui n’empêche pas la communarde Louise Michel d’être déportée à Cayenne. En 1880, 1884, le divorce est enfin rétabli. En 1898, Jean Jaurès se déclare favorable au vote féminin .
En 1902 Nelly Roussel aborde en fin la contraception, ce qui déclenche une salve d’hostilité. En 1907 après avoir vu leur journée de travail limitée à onze heures, les travailleuses mariées disposent enfin de la libre disposition de leurs salaires : deux ans plus tard le congé maternité de huit semaines devient la règle mais sans traitement.
La première guerre mondiale propulse les femmes en masse dans l’industrie. Elles en profitent pour se glisser dans le monde syndical. Alors que les Anglaises suivies de près par les Américaines obtiennent le droit de vote. Au début du XXè siècle, les Françaises doivent attendre 1944. Ce n’est qu’en 1946 que le principe de l’égalité homme/femme est inscrit dans la constitution.
En 1949, Simone de Beauvoir publie « Le Deuxième Sexe ». En 1960 le Planning familial voit le jour et en 1967, la loi Neuwirth autorise la contraception.1970 instaure la mixité dans les établissements scolaires. En 1975 loi Veil autorise l’interruption volontaire de grossesse. En 1988 mise sur le marché de la pilule du lendemain.
Sphère privée
A partir de 1989, les pouvoirs publics affirment leur volonté de lutter contre les violences conjugales puis un peu plus tard contre le harcèlement sexuel au travail. En 1993 l’exercice conjoint de l’autorité parentale est envisageable dans tous les cas de séparation En janvier 2002 apparait le congé de paternité. La sphère privée est enfin gagnée par l’égalité des sexes mais en trompe l’œil tant les habitudes sont tenaces. Toutes les femmes quel que soit leur âge et leur milieu social sont concernées, à vrai dire toute la société.
Libres, insoumises et audacieuses
De nombreux événements et livres marquent cette journée Parmi ces derniers j’ai retenu « libres, insoumises et audacieuses », des textes qui font réfléchir. Il est consacré à quinze femmes d’origine arabe, Magreb ou Moyen-Orient , nées ou émigrées en France qui ont du rudement batailler pour profiter de l’ascenseur social. Dès qu’elles ont eu l’audace de vouloir se réaliser en empruntant un chemin difficile, elles ont du travailler sans relâche pour se faire une place au soleil. Sans jugement, sans commentaires, leurs parcours pleins d’embuches familiales et sociétales, d’acclimatation aussi, sont décrits. Au de-là, elles démontrent sans effort que des secteurs professionnels entiers (politique, architecture et bâtiment, direction d’orchestre, astronomie…) demeurent très difficiles d’accès aux femmes.
F.C.
« Libres, insoumises et audacieuses »
Textes de Claire Champenois, Photographe, Catherine Bendayan
Editions les Points sur les I , 252 pages , 24,90 euros