François Hollande au Mont Valérien avec les filles de Jean Zay.
Le transfert des cendres de Jean Zay au Panthéon décidé par François Hollande ne fait pas l’unanimité. Une quarantaine d’associations d’anciens combattants et de militaires ont dénoncé, jeudi 13 mars, la décision du président François Hollande de transférer au Panthéon les cendres de Jean Zay, auquel elles reprochent d’avoir insulté le drapeau français dans ses écrits. Ancien ministre de la IIIe République, résistant durant la seconde guerre mondiale, l’Orléanais Jean Zay a été assassiné en juin 1944 par la Milice française.
Dans un communiqué, le Comité national d’entente rappelle que François Hollande a annoncé fin février le transfert au Panthéon des cendres de quatre personnalités : Germaine Tillion, Geneviève de Gaulle-Anthonioz, Pierre Brossolette et Jean Zay. “Les trois premiers sont des résistants et répondent à l’objet de cet hommage, il n’en est pas de même pour Jean Zay”, écrit le Comité.
“Je te hais dans l’âme”
Les signataires lui reprochent d’avoir porté “atteinte au symbole par excellence de notre patrie, de notre pays, de notre nation, le drapeau”. Car dans un texte daté de 1924, dont une copie est par exemple lisible sur le site de la Confédération nationale du travail, il écrivait : “Terrible morceau de drap coulé à ta hampe, je te hais férocement, Oui, je te hais dans l’âme, je te hais pour toutes les misères que tu représentes… Que tu es pour moi de la race vile des torche-culs.”
Le Comité national d’entente rassemble des associations d’anciens combattants, de médaillés, de blessés de guerre, d’anciens détenus, de militaires en retraite ou de réservistes. “Nous condamnons totalement un éventuel transfert des cendres de Jean Zay au Panthéon, concluent-ils. Il est des injures qui ne se rachètent pas et qui ne peuvent s’oublier au moment de prétendre au Panthéon.”
Ceux qui ont milité pour le transfert des cendres, les Orléanaises Catherine et Hélène Zay et Avelino Valé.
Pour Jean-Pierre Sueur le sénateur du Loiret qui fut parmi les acteurs autour de la mobilisation en faveur du transfert de l’Orléanais au Panthéon, ce pamphlet est un “texte de potache”. En fait il s’agit surtout d’un texte anti-militariste et pacifiste de jeunesse qui pourrait être revendiqué par pas mal de monde.
Pour certains historiens ce texte était un pastiche dans lequel Jean Zay, 20 ans,.avait voulu se moquer d’un nationaliste, Gustave Hervé. Pour un autre historien Olivier Loubes, “C’est ce rejet des vieux et de la guerre qui conditionne un de ses textes les plus controversés, « Le Drapeau », dont l’histoire est à la fois rocambolesque- vrai-faux pastiche de Gustave Hervé ?, oublié dans un livre puis vendu à la presse d’extrême droite dans les années 1930 par un vrai-faux ami…-et dramatique car « Le Drapeau » et les campagnes de haine qui ont accompagné sa redécouverte sont très largement à l’origine de son assassinat en 1944 “.
70 ans plus tard, la haine continue de se déchaîner contre le ministre du Front populaire, avec ces attaques contre la décision de François Hollande du transfert de ses cendres au Panthéon. Des attaques qui n’ont pas fini de faire des vagues et qui viennent clairement de milieux très marqués à droite.
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Le texte de Jean Zay:
Ils sont quinze cent mille qui sont morts pour cette saloperie-là.
Quinze cent mille dans mon pays, Quinze millions dans tout les pays.
Quinze cent mille morts, mon Dieu !
Quinze cent mille hommes morts pour cette saloperie tricolore…
Quinze cent mille dont chacun avait une mère, une maîtresse,
Des enfants, une maison, une vie un espoir, un cœur…
Qu’est ce que c’est que cette loque pour laquelle ils sont morts ?
Quinze cent mille morts, mon Dieu !
Quinze cent mille morts pour cette saloperie.
Quinze cent mille éventrés, déchiquetés,
Anéantis dans le fumier d’un champ de bataille,
Quinze cent mille qui n’entendront plus JAMAIS,
Que leurs amours ne reverront plus JAMAIS.
Quinze cent mille pourris dans quelques cimetières
Sans planches et sans prières…
Est-ce que vous ne voyez pas comme ils étaient beaux, résolus, heureux
De vivre, comme leurs regards brillaient, comme leurs femmes les aimaient ?
Ils ne sont plus que des pourritures…
Pour cette immonde petite guenille !
Terrible morceau de drap coulé à ta hampe, je te hais férocement,
Oui, je te hais dans l’âme, je te hais pour toutes les misères que tu représentes
Pour le sang frais, le sang humain aux odeurs âpres qui gicle sous tes plis
Je te hais au nom des squelettes… Ils étaient Quinze cent mille
Je te hais pour tous ceux qui te saluent,
Je te hais a cause des peigne-culs, des couillons, des putains,
Qui traînent dans la boue leur chapeau devant ton ombre,
Je hais en toi toute la vieille oppression séculaire, le dieu bestial,
Le défi aux hommes que nous ne savons pas être.
Je hais tes sales couleurs, le rouge de leur sang, le sang bleu que tu voles au ciel,
Le blanc livide de tes remords.
Laisse-moi, ignoble symbole, pleurer tout seul, pleurer à grand coup
Les quinze cent mille jeunes hommes qui sont morts.
Et n’oublie pas, malgré tes généraux, ton fer doré et tes victoires,
Que tu es pour moi de la race vile des torche-culs.