Un Printemps de Bourges résolument queer ?

Cette année, le Printemps de Bourges était particulièrement inclusif, autant dans sa communication que sur scène. La programmation s’est notamment distinguée par une forte visibilité des artistes queers. Une dynamique encourageante, même si plusieurs points restent à améliorer.

Piche, drag queen et rappeuse, sur la scène du 22. Crédit : Jeanne Beaudoin.


Par Jeanne Beaudoin.


« Iels ont été Inouïs ». Notable sur le site du festival, l’écriture inclusive est employée pour annoncer la scène émergente. Choix particulièrement adapté au regard des nombreux·ses artistes queers présent·es sur ce festival. Alors le PdB, un festival inclusif ? D’après Pierre et la Rose, Inouï 2025 que l’on peut retrouver au cabaret de la Vénus Noire ou de Mme Arthur, la réponse est oui. « S‘ils ont des coups de cœur musicaux, ils ne laisseront pas la queerness, la couleur de peau ou le genre d’une personne être une barrière ». Selon lui, il y a beaucoup d’endroits où, « si tu n’es pas blanc, pas cis, on ne te considère pas car on pensera que tu ne vends pas ». Ce ne serait, ainsi, pas le cas du PdB qui, au contraire, sélectionne les artistes d’après leurs talents.

Une programmation queer inédite

Lucky Love, Théodora, Rebeka Warrior, Théa, Emma Peters ou encore Madame Ose Bashung, on pouvait cette année retrouver des artistes queers même en tête d’affiche. Piche, drag queen et rappeuse actuellement en tournée, souligne l’importance de cette visibilité. « Avant aucune drag queen n’était programmée sur des festivals de musique. Si tout le monde prenait ce pari, on retournerait le monde. Il faut juste que certaines personnes, nos allié·es, nous aident et nous programment », affirme-t-elle tout en remerciant le PdB de sa confiance. Plus qu’une visibilité, programmer des artistes queers, c’est, plus largement, leur permettre d’exister publiquement.

Ainsi, Piche, drag queen à barbe, assure vouloir avant tout entrer dans ces sphères car on n’a pas l’habitude de voir des personnes comme elle. Être programmé dans ce type de festival ouvre des portes. « Cela permet de toucher un autre public, d’autres types de personnes moins sensibilisées à ces sujets, explique l’artiste. Et c’est là que ça devient très plaisant car j’ai l’impression de faire avancer les choses ». En tant que drag queen rappeuse, elle fédère au-delà de son public habituel. Certaines personnes l’écoutent pour le rap, sans être sensibles au départ aux questions queers. Ou au contraire, sa musique permet à quelques personnes queers de renouer avec le rap. « J’adore cette espèce de crossover, il est d’autant plus réalisable quand on entre dans des sphères où on n’a pas l’habitude de nous voir, comme les festivals », se réjouit-elle.

Une scène émergente représentative

Si l’on pouvait trouver des personnes queers dans la programmation générale du Pdb, iels étaient particulièrement représenté·es chez les Inouïs. Alex Montembault, Inouï 2025, affirme avoir été « assez surpris de constater que la promo 2025 des Inouïs était super queer. C’est ça la normalité, c’est la diversité et ça fait plaisir de se sentir à sa place ». Le Talu, artiste trans non-binaire et également Inouï 2025, confirme l’accueil particulièrement bienveillant du public lors de leurs concerts. 

Même son de cloche du côté de Genre Genre, deux artistes non-binaires de la génération des Inouïs 2025, qui saluent la qualité des intervenant·es, notamment par leur maîtrise du langage inclusif, mais aussi par les thématiques des ateliers proposés. Ces ateliers traitaient de sujets autour des médias, des contrats d’édition, mais aussi des VSS, la santé mentale ou encore la méditation. « On sentait qu’il y avait une ouverture sur le côté inclusif, même pour les allié·es » sensibilisé·es pour aider les personnes queers si besoin. « Il y a même eu des repas végans », ajoutent les deux ami·es, évoquant « la bienveillance et la douceur » ressenties dans cette promo Inouï, « comme une famille ».

Alex Montembault, Inouï, performe sur la scène du 22. Crédit : Jeanne Beaudoin.
Alex Montembault performe sur la scène du 22. Crédit : Jeanne Beaudoin.

La culture, vecteur de messages 

Au-delà de l’importance d’exister publiquement, ces artistes revendiquent, grâce à leur musique, leur identité. TedaAk a lancé son projet artistique à Nantes, fin 2021, sur les scènes queers. L’artiste utilise l’humour et la dérision pour toucher son public. Sur scène, il ne donne pas un concert mais un « spectacle musical » à partir d’une véritable narration. « La dérision et le second degré amènent vraiment cette prise de distance avec ce qui est dit ». Et cela permet de venir déposer un message aux personnes qui ne seraient pas sensibilisées à ces questions. « Pour l’instant, ça fonctionne », constate-t-il. 

Pour Alex Montembault, la stratégie pour combattre les stéréotypes n’est pas de crier haut et fort. C’est plutôt par les paroles de ses chansons qu’il s’exprime. Un de ses refrains par exemple : « Il ou elle, faut choisir, je suis moi c’est déjà ça ». Et c’est important « d’en parler de manière simple et presque naïve, parce qu’il y a encore trop de gens qui ne savent pas ce que c’est – la transidentité ou la non-binarité – qui ne s’y intéressent pas ». 

Des points encore à améliorer

Le Printemps de Bourges a ainsi marqué de nombreux points en matière d’inclusivité. Mais tout n’est pas parfait. D’abord, même si le pourcentage des personnes queers était important chez les Inouïs, il reste faible si on élargit à l’entièreté de la programmation. Surtout sur la programmation du W, la plus grande scène du PdB. Le Talu remarque d’ailleurs que, même si les quotas sont respectés, les artistes profitant des meilleurs créneaux et des meilleures scènes, ne sont pas les personnes queers.

TedaAk, quant à lui, reste plus mesuré. Bien que la communication soit inclusive, certaines dispositions sont indispensables pour accueillir correctement les personnes trans. À commencer par des toilettes dégenrées. Également, les préventions qui sont faites sur les Violences Sexistes et Sexuelles (VSS) restent trop faibles. « Il y a quelques affiches, mais je trouve qu’en termes de présence sur le festival, je n’ai pas la sensation d’un véritable protocole de mise en sécurité des publics ». Il propose par exemple la présence de plusieurs personnes, en plus de la sécurité, afin de sensibiliser largement toutes les personnes présentes sur le site. Bien que le personnel ait été formé, il n’y a aucun stand pour aider les festivaliers en cas de besoin.

TedaAk, Inouï 2025, sur la scène du 22. Crédit : Jeanne Beaudoin.
TedaAk, Inouï 2025, sur la scène du 22. Crédit : Jeanne Beaudoin.


Plus d’infos autrement : 

Clap de fin pour le Printemps de Bourges 

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