L’importance des images en 1962 commençait à s’imposer dans les actualités. Le conflit algérien a eu des séquences télévisuelles tournées par les médias officiels. René Vautier, ancien résistant bien que jeune homme encore, a voulu mettre sa caméra au service de la lutte pour la libération algérienne. Récidive 62 a consacré la journée de mercredi à faire découvrir ce travail.
Par Bernard Cassat.
Recidive 62 était obligé de se poser la question des images pendant, à la fin et après la guerre d’Algérie. La journée de mercredi s’y est attelée. Le public n’était pas vraiment au rendez-vous pour ces films pourtant exceptionnels avec des présentateurs d’un haut niveau.

René Vautier et sa fille Moïsa. Photo Moïsa Chappedelaine Vautier.
C’est bien sûr autour de la personnalité de René Vautier que s’est articulée cette présentation. Moïra Chappedelaine-Vautier a projeté son travail de fin d’études de la Femis, La loi du silence. Documentaire sobre, rassemblant des interviews réalisées en 2002 d’Henri Alleg, directeur du quotidien Alger Républicain de 1951 à 1955, de Pierre Vidal-Naquet, historien et essayiste. Avec aussi des déclarations incroyables du général Massu et d’avocats détricotant les défenses juridiques diverses de gens comme Jean-Marie Le Pen. Non seulement Moïra fait parler son père, mais elle reprend des séquences qu’il a lui-même tournées quarante ans avant.
Deux films courts mais essentiels de René Vautier
Deux films qui montent les mêmes séquences, mais bien différents dans leur volonté de démonstration.
Algérie en flammes, un court de 20 minutes, est un film totalement et volontairement orienté. René Vautier a convaincu les responsables de l’ALN, l’Armée de Libération de l’Algérie, et son chef de la propagande, Abane Ramdane, de le laisser filmer les maquis. Il part donc avec les troupes, filme les accrochages, les moments de repos, les sabotages ferroviaires. Tout cela pour montrer au monde que l’Algérie a une armée, que l’Algérie existe, qu’elle est unie dans une même volonté et qu’elle sera forcément libre un jour. C’est de la pure propagande, comme on peut le dire aujourd’hui. Mais il a franchi la ligne, il est passé de l’autre côté, et la France le déchoit de sa nationalité. Et même si Algérie en flammes passe dans plusieurs pays et même à l’ONU, il ne sera montré en France qu’en 68 pour la première fois.

Algérie en flamme. Capture bande annonce.
Peuple en marche, un deuxième court-métrage de 45 minutes, reprend beaucoup de séquences d’Algérie en flammes. Sorti en 63, le commentaire est beaucoup plus lyrique, l’accent est mis sur la grande cohésion de la révolution, sur l’armée et le peuple, main dans la main, construisant une nouvelle histoire. René Vautier était alors directeur du Centre audiovisuel d’Alger, chargé de former une génération entière de cinéastes et techniciens algériens. Peuple en marche, même s’il reprend beaucoup d’images tournées par René Vautier pendant le conflit, est une œuvre collective de tous ces jeunes. L’époque est évidemment plus sereine, et l’enthousiasme pour ce pays nouveau à construire complètement prend le dessus.

Algérie année zéro. Capture bande annonce.
Algérie année zéro, de Marceline Loridan-Ivens et Jean-Pierre Sergent, sorti en 63, est un autre regard sur les premiers mois de l’indépendance. Film interdit dans les deux pays, il a très peu été montré, ne passant que dans quelques festivals.
En 1971, René Vautier sort Avoir 20 ans dans les Aurès, un film de fiction qui revient sur ces événements. Il avait pendant le conflit choisi de mettre sa caméra au service de la cause algérienne. Plus de dix ans plus tard, il s’est dit qu’il serait intéressant de revoir tout cela du côté des appelés métropolitains qui se sont retrouvés pris dans cette guerre. Et comment des jeunes, peu enclins au départ à être soldats, se retrouvent à tuer dans des situations sans échappatoire possible.
Plus d’infos autrement :
Récidive, année 62 : le festival a pris son envol