Ouverture de la séquence suisse au Bouillon avec une performeuse de la parole

Meet Mit Com Con, la séquence européenne installée dans toute l’agglomération par la Scène nationale d’Orléans, entame mardi 25 février son cycle suisse au Bouillon. Pamina de Coulon nous guide, par un long discours fascinant, dans les grandes questions de la vie. Encensée par la critique et le public, elle les aborde avec sa lorgnette personnelle, son humour et son énergie. Magcentre lui a posé quelques questions.

Pamina de Coulon en pleine démonstration. Photo Mathilde Widmann.




Propos recueilli par Bernard Cassat.


Niagara 3000, c’est la suite du cycle Fire of Emotions ?

Oui. Une sorte de sage, des essais parlés, des monologues dans une pratique discursive. J’écris pour dire, pas pour être lue. Mais ça ressemble à la forme littéraire de l’essai, ce mélange d’opinion personnelle et d’expérience vécue, de sources autres (citées) et de réflexions mélangées.

C’est vraiment écrit ?

C’est très construit mais un petit peu moins écrit. Des notes, dont l’ordre est plus ou moins défini. J’ai tendance à dire que j’ai 120% de spectacle et que j’en donne chaque soir 100. Si j’ai l’impression de ne pas avoir dit complètement quelque chose, j’ai toujours un réservoir dans lequel aller puiser.

Le fond relève de la philosophie ?

Philosophique ou théorique. On nous présente le capitalisme, le patriarcat, la colonisation comme des grands écueils, il n’y aurait plus rien à en dire : c’est comme ça, point. Moi j’essaye de proposer des angles par lesquels entrer, en passant par ma propre expérience et grâce à toutes les sources que je lis. Pour m’emparer de toutes ces grandes machines qu’on nous montre comme inépuisables. À l’image des machines, justement, on peut les mettre en pièces, et du coup essayer de retrouver des prises que chacun peut saisir pour sortir des débats stériles et désespérants. Sortir de cette impuissance qu’à la fois on ressent, mais aussi qui est pratique pour ceux qui sont actionnaires de beaucoup de choses.

Vous personnalisez ces problèmes avec votre point de vue, vos expériences ?

Oui, expliciter et articuler comment, depuis mon point de vue, je peux m’en saisir et les combattre à différentes échelles. Ce n’est pas tant la valeur autobio de savoir comment je m’en démêle, moi. Le fait que l’articulation est possible et disponible apporte beaucoup de sens et de joie, et c’est super !

D’où l’importance de l’implication de l’humour dans la démarche ?

Effectivement. Je suis relativement militante, et avoir ce point de vue qui passe par l’humour, pouvoir en rire, avoir une légère distance, c’est important. Dans la vie, j’adore rigoler plus que pleurer. Beaucoup de choses me font pleurer, mais j’essaye de voir tous les endroits où on peut quand même en rigoler. Et je ne suis pas ironique. J’aime bien l’ironie, c’est rigolo, mais il y a un endroit où c’est corrosif aussi. J’essaye plutôt de rire avec, de trouver des sources de joie là-dedans, sans en faire un truc trop amer. Je crois que c’est ça qui fonctionne : on n’en sort pas plus déprimé. Il y a une sorte de force souterraine qui passe aussi avec cette distance mise par l’humour.

La confrontation de la pensée, l’affrontement intellectuel, qu’on retrouve tout le temps dans la politique, par exemple, ça vous importe ?

Je ne suis pas pour un total repli et je suis régulièrement confrontée à des gens qui ne pensent pas comme moi. Oui, ça me tient à cœur. Par exemple, je suis profondément antinucléaire, et il y a des gens profondément pro. Du coup, il se trouve que je suis souvent confrontée à eux, et je me dis qu’il y a tous les autres qui sont au milieu, qui n’ont pas un avis si tranché. Ce qui est une des raisons pour que ça se retrouve dans la pièce : anti et pro nucléaires passent beaucoup de temps à parler ensemble.

Une belle démonstration. Photo Mathilde Widmann.


Vous croyez à la force du discours, à son pouvoir de changement ?

Je crois très fort à la force des mots, à la force de la parole, au côté incantatoire de la parole. Pas tant pour convaincre, mais je fais partie des personnes sensibles aux mots. Ils me permettent d’articuler mes émotions, d’articuler ce que je vois autour de moi. Et justement, des mots, des concepts qui me permettent d’appréhender le monde, ça m’aide. Plutôt que de chercher une force de conviction, il y a quelque chose de l’ordre de l’articulation générale, de la mise en disponibilité. Tout n’est pas trop compliqué pour être pensé. Il n’y a pas ceux qui peuvent penser et les autres. Dé-hiérarchiser ça, et dire que les choses compliquées, on peut les aborder de plein de manières. C’est un peu la base de Fire of Emotions. Je voulais parler du big bang. On pense que la science c’est oui ou non, alors que c’est d’abord faire des hypothèses. Quand on ne la pratique pas, on a l’impression qu’elle va nous dire une vérité, comme ça, point. Je ne connaissais rien à la physique quantique. J’essayais juste de comprendre, dans mon coin. Et quand j’arrivais à saisir quelque chose, c’est parce que ça me touchait. Les termes utilisés me faisaient penser à autre chose ou étaient évocateurs, et du coup ça m’aidait, le fait de parler d’émotions. Être interpellée par cette théorie, ça me permettait de faire des avancées dans sa compréhension. Il y a beaucoup de choses accessibles, il faut juste trouver la porte d’entrée. Après, ça ne veut pas dire que tout le monde doit s’y intéresser. Mais qu’il n’y a pas qu’un seul chemin pour arriver au bon endroit.

L’échange avec le public ?

Ça dépend de la salle. Je vois le public pendant la pièce. La forme de parole que je pratique, un peu improvisée, me demande d’être dans le même espace de pensée que le public, mais moi, j’ai 4 secondes d’avance. J’ai une pratique assez particulière, très éloignée des conférences qui ont d’autres codes de parole. Moi, c’est un long flot, je fais très peu de pauses. Assez vite, il faut que je donne confiance, que je dise au public « suivez-moi, vous allez voir, on va retomber sur nos pieds et tout va bien ». Mais dans ma proposition, les choses coulent l’une dans l’autre. On ne va pas s’arrêter à chaque fois pour ouvrir des pages de réflexion et faire résonner ce que je viens de dire. Ça résonnera plus tard, mais là, pendant une heure, on va suivre ce rythme-là. Qui me prend, moi aussi. Je suis assez proche du public et je ressens assez bien ce qui se passe. Le rire, bien sûr, est un marqueur. Mais ça dépend de beaucoup de choses. Il y a souvent des gens qui pleurent. De temps en temps des gens qui s’endorment. Et ensuite, je sors assez vite pour aller discuter. Ou c’est possible de m’écrire. Régulièrement, des gens du public le font.

Les critiques sont très laudatives dans toute la presse. Ça vous fait plaisir ?

Depuis le début, j’ai une très bonne réception de mon travail. Ça m’a toujours étonnée, ce consensus. Je me dis que je ne choque pas. Je ne cherche pas à faire de l’innovation artistique. Mais il y a quelque chose de particulier dans ma pratique qui touche les gens. Et c’était ça que je voulais faire. Donc ça doit être un peu réussi, et j’ai toujours envie de continuer. Ce n’est pas vain, et c’est pas mal, de faire des choses qui ne sont pas vaines…

Niagara 3000

Pamina de Coulon au Bouillon

Mardi 25 février, 20h30 et mercredi 26 février, 20h30

Gratuit pour les étudiants

Billetterie ici


Plus d’infos autrement : Rendez-vous en Suisse avec Meet Mit Com Con

Commentaires

Toutes les réactions sous forme de commentaires sont soumises à validation de la rédaction de Magcentre avant leur publication sur le site. Conformément à l'article 10 du décret du 29 octobre 2009, les internautes peuvent signaler tout contenu illicite à l'adresse redaction@magcentre.fr qui s'engage à mettre en oeuvre les moyens nécessaires à la suppression des dits contenus.

Centre-Val de Loire
  • Aujourd'hui
    7°C
  • samedi
    • matin 0°C
    • après midi 6°C
Copyright © MagCentre 2012-2025