C’était lors de l’ouverture des Fabricoles à Meung-sur-Loire programmées par la Compagnie orléanaise, laquelle présentait en avant-première dans une Fabrique comble, son nouveau spectacle, adapté du roman de Zola, artistes masqués comme il est d’usage au Krizo.
Par Bernard Thinat.
Peut-on rire de tout, au cinéma ou au théâtre ? Roberto Benigni avait répondu positivement à la question avec son film, Grand Prix à Cannes, « La vie est belle ». Si Germinal est un drame terrible vécu par les mineurs du nord de la France et leurs familles, où Zola peint une bourgeoisie avide de profits, face à une classe ouvrière surexploitée, plongée dans la misère et les coups de grisou, le choix de la Compagnie théâtrale d’intégrer une forte dose d’humour dans l’adaptation théâtrale, était un pari risqué. Mais pari réussi si l’on en croit les chaleureux applaudissements au final, même si on peut imaginer que le spectacle gagnera en fluidité au cours des prochaines représentations.
La pièce
La trame du roman de Zola est globalement respectée, de l’arrivée d’Etienne Lantier chez les Maheu, à son départ après la mort de Catherine Maheu au fond de la mine suite à une explosion provoquée par un anarchiste, adepte de Bakounine, la grande grève des mineurs et la répression qui s’en est suivie. On ne racontera pas tout dans les détails.

Avec masques – Photo B.T.
« Un mineur ne pleure pas », telle est la phrase revenant en boucle durant le spectacle, mais le mot le plus fréquemment prononcé est celui de « solidarité » crié le plus souvent par Catherine, le poing levé, solidarité des mineurs face au patronat, solidarité dans la grève, solidarité dans la pauvreté, de ceux qui n’ont rien à manger. Sans doute, les mots de « solidarité » et « grève » sont quelque peu méprisés de nos jours quand l’individualisme est prôné de toutes parts, et notamment par les nouveaux maîtres des États-Unis d’Amérique, lesquels n’en doutons pas, n’apprécieraient guère un tel spectacle. Mais que ces valeurs soient portées au pinacle par la Compagnie du Krizo, et qu’elles soient vivement applaudies par le public, réconforte. Ça fait un bien fou !
Quatre artistes en parité et une bonne quinzaine de personnages ! Au centre du plateau, un ingénieux mécanisme représente l’ascenseur manuel qui permet de descendre dans la mine. À gauche, la boutique du charcutier, à droite un rideau rouge. Christophe Thébault incarne le personnage d’Etienne avec une belle énergie, Mathieu Jouanneau, celui de Chaval, le « jaune » qui refuse la grève, Caroline Bissauge est tantôt la Maheude ou l’anarchiste russe qui marche au pas de l’oie ; enfin Aimée Leballeur, c’est à la fois Catherine, la Mouquette et l’improbable femme du patron. Tous quatre apparaissant, puis disparaissant derrière le décor et revenant, costume, chapeau ou casque et masque différents.
Çà et là, quelques références à la société actuelle affleurent même si, le plus souvent, elles sont contenues dans l’œuvre de Zola, tel le mot « consentement » prononcé lors du viol de Catherine (qu’on ne voit pas, rassurons les parents). Et puisque le Krizo a fêté ses vingt ans récemment, on retrouve tous les titres de leurs créations au hasard du texte, même « Sodome, ma douce » qu’il fallait bien caser quelque part.

Sans masque : de gauche à droite, Caroline Bissauge, Aimée Leballeur, Christophe Thébault et Mathieu Jouanneau – Photo B.T.
Questionnant les artistes sur le rapport du public au spectacle, « l’idée, dira Aimée Leballeur, c’est d’avoir des histoires qui touchent les gens quel que soit le milieu d’où ils viennent. Certes, ajoute-t-elle, il y a le rapport à l’ouvrier, à la mine, à la grève, au syndicat, mais il y a aussi des histoires d’amour, de famille, de deuil qui se nouent. C’est universel ».
Humour, plaisanteries, chanson des Corons parsèment le spectacle, qui devrait comme les autres créations de la Compagnie, connaître une belle vie sur les scènes loirétaines et ailleurs, puisque la prochaine représentation aura lieu dans le département du Nord, tout près des anciennes mines, avant de rejoindre la Maison des Arts et de la Musique à Orléans, du 14 au 16 mars.
Germinal :
Jeu : Aimée Leballeur, Caroline Bissauge, Mathieu Jouanneau, Christophe Thébault.
Masques : Sébastien Bicker
Décor : Elza Lemoi
Marionnettes : Maxence Thireau
Exposition
Parallèlement aux spectacles programmés par le Krizo, se tenait durant les trois jours, une exposition de tableaux de Françoise Collin, artiste peintre loirétaine, sur le thème du figuier et de sa feuille, du temps qui passe, de la vie et de la mort, tableaux réalisés à l’aide de pochoirs.
Pour en savoir plus : www.francoisecollin.com
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