« Apprendre », l’école accoucheuse d’intelligence

Dans un film lumineux, Claire Simon retourne à l’école pour en saisir les relations d’apprentissage et les échanges enfants-adultes. Elle filme avec empathie tout au long d’une année ces enfants un par un et en groupe, avec toute sa maîtrise du cinéma qui se verra récompensée pendant le Festival Récidive par le prix Jean Zay.

Une classe de l’école Makarenko d’Ivry-sur-Seine. Capture film annonce



Par Bernard Cassat.


Claire Simon s’était déjà intéressée aux enfants à l’école dans Récréations, un moyen métrage sorti en 1992. Elle observait comment les enfants s’organisaient pendant les jeux dans la cour. Elle y revient cette année avec « Apprendre », mais le point de vue est différent.

Un film à hauteur d’enfant

Il s’agit de saisir ce qui se passe au niveau de l’enseignement, des apprentissages du savoir qui n’est pas forcément savant, mais qui détermine l’intelligence de la vie en société. Elle s’est fait accepter par l’école Makarenko d’Ivry-sur-Seine, un quartier populaire à la population très mélangée. Son tournage sur une année lui a permis rapidement de se faire oublier par les protagonistes autant enfants qu’adultes. C’est déjà un tour de force. Elle a choisi, pour que le point de vue soit à la hauteur d’enfant, une petite caméra qu’elle tient souvent contre sa hanche. Un preneur de son complète parfois cette équipe réduite au minimum. La première séquence de la rentrée de septembre, qui suit un enfant nouveau dans l’école, donne d’emblée le point de vue visuel qu’installe Claire Simon. Et son sens du montage, ensuite, a aussi joué pour organiser les prises.

L’effort du calcul mental. Photo Condor Distribution.


Le film avance à la fois chronologiquement dans l’année qui se déroule, mais aussi par thèmes qui développent chacun un sujet. Elle passe d’une classe à l’autre, d’un groupe d’élèves à l’autre. Elle s’intéresse parfois à un enfant en particulier, parfois au groupe. Ce qui frappe en premier, c’est le calme et le respect des enseignants, leur manière douce de faire venir la réflexion. Et de l’autre côté le calme des classes, la participation très ordonnée des élèves, des conditions qui mettent en évidence leur intelligence.

Des discussions impressionnantes

De bonnes conditions d’enseignement sont réunies dans cette école primaire : environ 18 enfants par classe, quatre jours d’école par semaine. Apparemment beaucoup d’intervenants spécialisés pour les domaines particuliers comme le sport et la musique. Et les activités captées par la caméra révèlent un gros travail pédagogique. Pour exemple la discussion à partir du Tour du monde en 80 jours sur les obligations religieuses, comme la crémation de l’épouse au côté de son mari décédé à laquelle assiste Phileas Fogg en Inde. Aucune morale n’est imposée, sinon celle du respect. Sur un sujet aussi problématique, la discussion par groupe de trois élèves est impressionnante.

On joue à l’école. Photo Films Hatari.


Une autre séquence dans le bureau du directeur de l’école primaire résume parfaitement la qualité de l’équipe pédagogique, qui correspond aussi, on s’en doute, à ce qu’a envie de défendre Claire Simon. Le directeur, dans un langage simple, fait la morale à un petit qui a tapé ses camarades. La parole plutôt que les coups. Tout un programme difficile à inculquer dans un monde par ailleurs très violent.

Des visages attachants

Claire Simon sait à merveille capter les visages des enfants. Un petit qui se débat avec les chiffres, qui réfléchit intensément et tend ses doigts pour compter évoque les images de Doisneau. Il y a dans l’approche de Claire Simon la même empathie amusée et admirative. Et lorsque l’enfant est plus difficile à approcher, comme celui qu’une maitresse prend seule à seul au fond de la classe, Claire arrive à en saisir toute la singularité.

La cour de récré. Capture film annonce.


L’individu, le groupe, les relations, elle manie tout cela avec bonheur et arrive à transmettre beaucoup de choses touchantes autant qu’importantes. Une position quasi politique de l’approche du monde de l’école, souvent décrié. Claire Simon n’en garde que du positif, de l’espoir. Avec en fond mais jamais formulées, les grandes questions qui sous-tendent notre société : la mixité sociale, le respect des petits, la difficulté à faire éclore l’intelligence. On a presque envie de retourner sur les bancs de cette primaire primordiale.

Claire Simon invitée de Récidive 62 pour recevoir le prix Jean Zay 2025

 

La quatrième édition du festival Récidive – une année de cinéma dans l’histoire aura lieu du 16 au 23 mars 2025, au cinéma Les Carmes et à l’Atelier Canopé. Il sera consacré à l’année 1962. Une cinquantaine de projections de fictions, des documentaires, des tables rondes, des rencontres et des conférences ainsi que des avant-premières.

Claire Simon est l’invitée d’honneur du Festival. Après Costa-Gavras, Marin Karmitz et Margarethe von Trotta, elle recevra le grand prix Jean Zay pour l’ensemble de sa carrière lors d’une soirée qui lui sera dédiée, le samedi 22 mars à 20h30. La cérémonie sera suivie de la projection de son film Les Bureaux de Dieu.

Pendant le festival, une rétrospective de ses films lui sera consacrée. Elle donnera également une leçon de cinéma à l’Atelier Canopé.

Claire Simon. Photo YanRB-Wikipédia.


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