Une création de Samuel Achache attire toujours du monde. Il en était ainsi pour trois représentations de « Sans Tambour », pièce passée par Avignon en 2022 et qui continue de parcourir l’hexagone, recevant ovations d’un public aux anges.
Par Bernard Thinat.
Théâtre musical ou concert théâtralisé, nul ne le sait, pas même Samuel Achache, dont la Compagnie « la Sourde » a déjà présenté « le Crocodile trompeur » adapté de l’opéra « Didon et Énée » de Purcell, au théâtre Olympia et à la Halle aux grains de Blois au cours de la saison 2022-2023. Ses créations se situent au carrefour des arts du théâtre et de la musique, en explorant l’histoire de ces deux cultures.
Sans tambour – Photo de Christophe Raynaud de lage (prise en 2022)
Côté jardin, un banc, des chaises sur lesquelles viennent s’asseoir plusieurs musiciens (accordéon, trompette, violoncelle, clarinette, saxo, un piano apparaîtra plus tard sous les décombres). Côté cour, un mur de parpaings et une fenêtre constituent un logement dont on découvrira rapidement l’intérieur, le couple y résidant ayant tôt fait de tout détruire. Car on assiste aussitôt à une vraie scène de ménage, lui faisant la vaisselle et reprochant à sa compagne de ne pas avoir réparé le siphon sous l’évier. Sacré clin d’œil au féminisme qui prône à juste raison, le partage équitable des tâches ! Elle réclamant de l’amour qui semble avoir disparu dans le couple. Et voilà que cette scène de ménage devient peu à peu, sans qu’on y prenne garde, opéra, avec orchestre et soprano (Agathe Peyrat formant avec Sarah Le Picard un formidable duo de voix) dans un dédale de cris, de musique et de voix lyriques. Quel grand art !
La suite peut ressembler à un bric-à-brac de situations jubilatoires, pour se terminer par l’histoire de Tristan et Iseut, reconstitution d’un amour perdu en remontant le temps, au rythme des lieder de Robert Schumann intégrant parfaitement le spectacle. Il y a Laurent Ménoret, colosse chauve, l’homme du couple cité précédemment, qui tente de détruire à coups de massue le tabouret sur lequel il est perché, on tremble qu’il ne s’écrase. Il y a l’extraordinaire Léo-Antonin Lutinier, autant acteur que clown et chanteur lyrique, qui recevra un faux piano sur la tête et s’en extirpera peu à peu, le même dans un hôpital psy qui s’interroge sur l’amour perdu, et ainsi de suite. Nonobstant quelques longueurs, l’ensemble offre une formidable épopée à travers les arts du spectacle vivant.
2ᵉ à partir de la gauche : Samuel Achache; 5ᵉ Léo-Antonin Lutinier, puis Laurent Ménoret, la soprano Agathe Peyrat, Sarah Le Picard et les musiciens – Photo B.T.
On peut voir, à travers la destruction du logement et la rupture du couple, les marches brisées de l’escalier ou les barreaux cassés de l’échelle, les fondements de la société qui partent à vau-l’eau avec la montée de l’extrême droite un peu partout dans le monde, mais rien n’est sûr ! Chacun est libre d’y voir ce qu’il veut. Spectacle qui ne cesse de ravir les publics rencontrés, même si depuis l’été 2022, une partie de la distribution, musicale et théâtrale, a changé.
Sans Tambour
Mise en scène Samuel Achache
Avec Samuel Achache, Gulrim Choï, Jean Dousteyssier, Florent Hubert, Sébastien Innocenti, Sarah Le Picard, Léo-Antonin Lutinier, Laurent Ménoret, Agathe Peyrat
Direction musicale Florent Hubert
Arrangements collectifs à partir de lieder de Schumann tirés de : Liederkreis op.39, Frauenliebe und Leben op. 42, Myrthen op. 25, Dichterliebe op.48, Liederkreis op.24
Compagnie La Sourde
Les 15 et 16 janvier, au Petit Faucheux à Tours :
Chewing Gum Silence de Samuel Achache
(à partir de 6 ans)
Plus d’infos autrement sur Magcentre :
Nouvelle année théâtrale : que voir ici et là, ailleurs et en tous lieux ?