Un “Bird” au secours d’une mère courage de 12 ans

Dans une fiction naturaliste et pourtant pleine de poésie, Andrea Arnold dresse un magnifique portrait de jeune fille à la vie compliquée. Dans un milieu social en pleine décomposition, Bailey s’attache aux animaux, notamment à Bird, qui se révèle plus qu’un personnage. Un récit poignant de bout en bout, avec de magnifiques figures de paumés et d’enfants perdus.

La jeune

La jeune Nikiya Adams prète son visage au personnage de Bailey. Photo trailer film.

Par Bernard Cassat

Andrea Arnold est branchée animaux. Après Cow en 2022, sort cette semaine Bird. Mais si Cow était plutot un documentaire, Bird est franchement une fiction. Pleine d’animaux, et pas seulement d’oiseaux. Ce sont eux, cependant, qui nous font entrer dans le récit, dans un drôle d’endroit, un passage grillagé où une jeune fille filme des oiseaux avec son téléphone. Et on se demande qui est en cage. Cette jeune fille, Bailey, s’empare du film et en devient le moteur, l’axe principal autour duquel tournent tous les autres personnages, sa famille recomposée de tous les cotés, quelques amis et des rencontres, notamment d’animaux. Qui sont plus doux que les humains qui l’entourent.

Son (très jeune) père, deuxième personnage à entrer dans le film, flamboyant marginal couvert de tatouages d’animaux vénéneux, navigue entre déglingue, poésie, amour et autorité qu’il ne sait pas exercer.

Le père (Barry Koeghan) et sa fille sur la trotinette. Photo trailer.

Tous les aspects sociaux « sérieux » sont écartés par Andrea, l’argent, le travail, l’école. Elle ne garde des personnages que les rapports familiaux et humains, ce qui est déjà beaucoup. Et leurs rêves, leurs fascinations, leurs amours aussi. Car dans cette description assez naturaliste, il y a de l’amour qui cotoie beaucoup d’irresponsabilité. La jeunesse des parents revient continuellement. Bailey est la fille d’un gamin de seize ans, sa mère a eu trois enfants après elle mais doit friser les trente ans au moment du film. Le demi-frère de Bailey, 14 ans, va avoir un enfant avec une fille de son âge. Ce milieu de marginaux anglais, qu’on ne peut pas dire prolo parce qu’ils n’ont aucun rapport avec le monde du travail, ne traine pas en procréation. Qui est souvent laissée à elle même, ou rejetée carrément, surtout lorsqu’un nouveau conjoint s’installe. Comme le nouveau de la mère de Bailey, affreux type violent et tueur de chien !

Bird (Franz Rogowski) danse dans les champs. Photo Atsushi Nishijima.

Bailey fait son miel de promenades dans la campagne environnante, et des rencontre avec les animaux. C’est là qu’elle croise un drôle d’oiseau, en jupe, un type qui l’intrigue et avec qui elle tisse une relation étonnante. Il se perche sur le toit des immeubles. C’est Bird. Au début juste quelqu’un de peu ordinaire, autant physiquement que dans son comportement. Il revient chercher ses parents qui l’ont abandonné. Bailey l’aide dans cette recherche. Mais petit à petit, Bird devient de plus en plus oiseau. Pourquoi, comment, on ne sait pas et peu importe. Personnage intermédiaire, on s’attend pendant tout le film à ce qu’il se révèle symbole, personnage purement poétique imaginé par Bailey. Peut-être, peut-être pas… Pourtant il règle le problème de l’infame amant de sa mère en se découvrant véritablement oiseau.

Bug, le très jeune père. Photo Atsushi Nishijima.

Comme souvent, Andrea n’a pas pris d’acteurs professionnels. Sauf un, le père, l’incroyable Barry Koeghan. Acteur qui monte dans le milieu anglo-saxon, il réalise ici une prestation magnifique, maniant à la fois la violence, la tendresse non partagée, impose son enthousiasme, sa poésie, sa folie. Avec son énorme crapaud de Sonora, par exemple, à qui il fait cracher sa drogue, qui ne l’empèche toutefois pas de se faire une ligne très discrète au passage. Barry/Bug, c’est son nom dans le film, a l’énergie communicative. Il répète à sa fille de ne pas « gacher son rêve ». Barry traduit avec force cet être au fond très mystérieux, totalement perdu dans un monde déstructuré, mais qui aime ses enfants à sa façon, marginal qui prépare méticuleusement son mariage.

Bailey découvre des poissons. Photo Atsudhi Nishijima.

Il fallait une figure forte en face de lui pour jouer Bailey, sa fille. Nikiya Adams est bluffante dans ce personnage. Belle, naturelle, tranquille, au regard profond, elle s’impose avec puissance en face de l’acteur chevronné. Elle devient une sorte de mère courage à 12 ans, alors même qu’elle a ses premières règles.

Empathie et poésie

Tendu du début à la fin, le film nous entraîne dans un monde terriblement anglais et terriblement perdu, mais en raconte aussi les pépites d’humanité qui le parsèment. Grace aux animaux, aux enfants, mais surtout au regard d’Andrea Arnold chargé d’empathie et de poésie.

 

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