À l’inverse du Pape François, qui a dédaigné la réouverture de Notre-Dame au profit du soleil impérial de la baie d’Ajaccio, le vendredi 13 décembre, jour du renoncement pour Emmanuel Macron, a vu un autre François estimer, à l’instar de son modèle béarnais le bon roi Henri IV, que Matignon valait une messe, et de quitter les nids de poule de Pau et Notre-Dame de Lourdes pour affronter les embûches de Noël et l’embourbement de notre démocratie parlementaire devant le Palais-Bourbon.
Par Paul Bluzet.
Passant de sa légendaire « taloche strasbourgeoise » à un gamin qui lui faisait les poches au bras tordu au gamin amiénois qui lui a volé son fonds de commerce centriste en 2017, l’autoproclamé « Biden français » a allègrement forcé son destin au détriment du Lecornu de service, ministre désarmé, et de Roland Lescure, de repos, à l’ombre d’une case neuve.
François Bayrou
SOS Macron ne répond plus : René Coty II, le retour
Si la politique se résumait à un vaudeville, entre Labiche et Feydeau, la dernière séquence offerte par l’hésitant de l’Élysée, la scène de ménage matinale avant rabibochage, ferait le bonheur, au-delà des humoristes, de tous les Français. Malheureusement, le désarroi, désormais de notoriété publique, du « résident de la République » ne prête pas à sourire, car tant que la Cinquième République persistera, avec l’élection directe au suffrage universel du chef de l’État, son impuissance est la nôtre, elle renvoie au mépris du vote le plus massif des citoyens. Ajoutez à cela que le même s’entête à tourner le dos aux résultats des législatives du 7 juillet dernier, en choisissant délibérément de confier les clés du gouvernement aux petits groupes parlementaires qui ont perdu les élections, et vous comprendrez aisément l’ampleur de la crise de défiance envers la démocratie représentative. Alors que nous n’en sommes qu’à la moitié du second mandat de Macron, le voir réduit à l’état de François Mitterrand en 1994, de Jacques Chirac en 2005 ou de François Hollande en 2016 n’a rien de rassurant. Sauf à espérer un tsunami politique à la mai 1958 – l’appel de René Coty à Charles de Gaulle – tremblement de terre institutionnel dont rêvent les deux alliés objectifs du chamboule-tout français, soutiens farouches de la famille El Assad : la présidente d’un parti menacée d’inéligibilité et le fameux auteur de « la République, c’est moi ! »
Un destin français, le Béarnais bondissant à l’ouverture
Ainsi, trois décennies après avoir mis un million de manifestants dans la rue en tentant d’élargir le financement public des écoles privées, le Béarnais tenace est enfin parvenu non à son Graal, l’Élysée, mais au sommet himalayen de Matignon. Au pire moment, il possède des atouts pour réussir sa mission impossible : son ralliement à François Hollande, contre sa bête noire Sarkozy au second tour de 2012, devrait lui ouvrir la voie d’un « pacte de non-censure » d’une partie de la gauche, et sa bienveillance réitérée à l’égard du RN et de sa présidente écarte pour un temps le pouce baissé du premier groupe de l’Assemblée. Mieux, son positionnement « balle au centre » peut lui offrir quelques débauchages de poids, de Bernard Cazeneuve à Xavier Bertrand, qui nous sortiraient des castings fantomatiques des derniers gouvernements insipides de locataires aussi anonymes qu’éphémères.
Mais l’équation parlementaire demeure à de multiples inconnues : la droite sénatoriale exige le maintien de Retailleau, le Puy du fou de la politique sécuritaire et répressive à toute immigration, chiffon rouge brandi sous le nez non seulement de la gauche, mais d’une partie du Modem et des macronistes. Comment élargir l’étroite assise du gouvernement du « bloc central » – entendez la droite et le centre-droit – sans s’aliéner une part de ses soutiens ? Le dilemme reste entier.
Un marasme démocratique persistant. L’heure de la défiance
Mais l’essentiel est ailleurs. Alors que la note financière de la France vient d’être dégradée ce même « black Friday », comment redonner confiance en la chose publique à un pays qui, excepté les événements planétaires réussis des JO ou de Notre-Dame, se vit comme le pire endroit où vivre dans un monde instable et dangereux ? L’éternel pourfendeur de la dette qu’est le Béarnais n’est pas forcément le mieux placé pour entreprendre cette thérapie collective et rappeler que, certes, la situation budgétaire est grave, mais que la France n’est pas la Grèce, et que l’épargne privée est considérable : qui parle des 6 186 milliards d’épargne des Français, dont 582 milliards de dépôts sur les livrets A ?
Arrêtons de nous faire peur pour rien. La France n’est pas en faillite, mais elle doit, d’urgence, répartir plus équitablement la charge fiscale, et restaurer la qualité de ses services publics de santé et d’éducation, investir massivement dans les hôpitaux, la recherche, la formation, l’innovation. Se débarrasser des doublons administratifs (pourquoi deux collectivités différentes pour gérer la construction et l’entretien des collèges et les lycées ?), décentraliser et déconcentrer au profit du ou de la préfète, interlocuteur unique incarnant l’État de proximité, en soutien des maires. Et faire confiance. En respectant, enfin, tous les corps intermédiaires. Et tous les citoyens.
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