Qu’est-ce que l’agression par soumission chimique ?

La loi du 23 décembre 1980 définit comme viol « Tout acte de pénétration sexuelle commis par violence, contrainte, menace ou surprise ». C’est par soumission chimique (SC) que Gisèle Pelicot a subi sans brutalités ressenties, sans réelles contraintes, menaces ou surprise des centaines de viols. Ce phénomène, probablement sous-estimé, semble s’aggraver.

Illustration Pixabay


Par Jean-Paul Briand.


La soumission chimique (SC) est définie aujourd’hui comme l’administration volontaire à des fins criminelles ou délictuelles de substances psychoactives à l’insu de la victime ou sous la menace. Un produit psychoactif est défini par l’OMS comme une substance qui, lorsqu’elle est ingérée ou administrée, altère les processus mentaux, les fonctions cognitives, les émotions ou les propriétés physiques. On peut ainsi obtenir d’une personne des actes qu’elle n’aurait jamais réalisés spontanément.

Des détournements d’un médicament afin de soumettre une personne

Datura – Cliché Pixabay

La SC est devenue de nos jours une réalité préoccupante mais cette pratique a toujours existé. Durant certains rites ancestraux, dans de nombreuses civilisations, les chamans faisaient absorber des plantes aux propriétés psychoactives à leurs congénères pour affirmer leur pouvoir. Au XVIe siècle des malfrats droguaient leurs victimes avec de la poudre de datura pour les voler plus facilement. Plus près de nous, cette technique s’est modernisée avec l’apparition de nouvelles drogues (opium, morphine, codéine, héroïne, etc) utilisées par les « endormeurs » afin de dépouiller sans risque leurs victimes dans des lieux publics comme les toilettes des gares, les hôtels, les bars, les boites de nuit, les trains, etc. À toutes les époques, il était distribué aux soldats des drogues pour vaincre la peur, les stimuler au combat et leur faire supporter la fatigue, le manque de sommeil et de nourriture. Les pilules de D-IX, créées par le régime nazi, auraient permis aux troupes allemandes de ne prendre aucun repos pour gagner la bataille de Crète en mai 1941. La manipulation mentale à l’aide de drogues hallucinogènes, dont le diéthyllysergamide (LSD), est utilisée par les agences de renseignement lors de leurs interrogatoires. Tous ces usages de produits psychoactifs sont des mésusages et des détournements d’un médicament ou d’un produit afin de soumettre une personne.

Des prélèvements toxicologiques trop tardifs

De nombreux cas de SC sont vus en milieu hospitalier. La SC peut concerner la sédation d’enfants considérés comme trop turbulents, de la maltraitance de personnes âgées dans son environnement familial ou en institution, mais plus souvent dans le cadre d’agressions sexuelles. La dernière enquête nationale concernant la SC dénombre 1 229 agressions facilitées par des substances chimiques en 2022, soit une augmentation de 69,1% par rapport à l’année précédente. Ces chiffres sont largement sous-estimés car il est toujours très difficile d’établir la preuve d’une SC. Par ailleurs, dans les viols par SC, il n’est pas rare que les victimes n’osent pas porter plainte, au moins dans un premier temps, parce qu’elles n’ont pas de souvenirs des faits. Dans de nombreux cas, les prélèvements toxicologiques trop tardifs (effectués plus de 12 heures après l’ingestion supposée) ne permettent plus de mettre en évidence des toxiques dans le sang. 

Dans la majorité des cas de SC, les molécules incriminées appartiennent à la famille des benzodiazépines ou des antihistaminiques. D’autres produits sont mis en cause comme la « drogue du viol » (GHB) ou la MDMA et la kétamine, avec l’ingestion concomitante d’alcool et de cannabis.

Pendant toutes les années durant lesquelles Gisèle Pelicot a enduré des centaines de viols sous sédation par benzodiazépines, elle a consulté des médecins à de nombreuses reprises. Par méconnaissance du phénomène des soumissions chimiques, ils n’ont jamais soupçonné ce qu’elle subissait. Aussi, devant l’augmentation du risque, l’information doit prioritairement s’adresser aux professionnels de santé.… 

Plus d’infos autrement sur Magcentre : La culture du viol

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