Lancée le 24 octobre sur le site du méthaniseur de Lamotte-Beuvron, la production d’hydrogène « turquoise » à partir de biométhane offre de belles perspectives notamment pour les transports routiers.
Les partenaires du projet le 24 octobre dernier devant les cellules où est produite l’hydrogène “turquoise” par plasmalyse du méthane. Photo mairie de Lamotte-Beuvron
Par Jean-Luc Vezon.
La capitale de la tarte Tatin est en passe de devenir un haut lieu technologique de la décarbonation à partir de l’hydrogène (H2). La start-up française Spark Cleantech vient en effet d’inaugurer son démonstrateur industriel pour la production d’hydrogène vert et de carbone solide à partir du biométhane.
Le démonstrateur utilise un procédé unique au monde breveté par Spark : la plasmalyse du biométhane. « Économe en électricité, ce procédé amplifie la décarbonation du gaz vert ; il permet à partir de déchets organiques de produire une énergie dont le bilan carbone est négatif », expliquait Patrick Peters, le CEO de Spark Cleantech en ajoutant que dans les faits « le procédé retire même le CO2 de l’atmosphère ».
On sait en effet que les méthodes traditionnelles de production d’hydrogène sont soit très polluantes ou nécessitent de grandes quantités d’électricité renouvelable et sont généralement trop coûteuses pour remplacer la combustion du gaz naturel.
La plasmalyse de Spark est une nouvelle voie alternative ; elle permet de produire de l’hydrogène décarboné de façon économique en utilisant de brèves impulsions électriques pour casser les molécules de méthane et en extraire l’hydrogène. Avantages : aucun rejet de CO2 et faible consommation électrique. Le carbone contenu dans le gaz est aussi capté sous forme solide.
Ce carbone solide peut être valorisé dans divers secteurs industriels où il participe à la décarbonation de produits comme les pneus, les batteries et les matériaux de construction. « Actuellement, les méthodes de production de carbone-matériau, reposent sur la combustion d’hydrocarbures et sont hautement émissives en CO2 », analyse Patrick Peters.
Cette valorisation complémentaire va donc permettre à Spark de proposer un hydrogène compétitif avec les énergies fossiles, que ce soit pour remplacer la combustion de gaz pour les clients industriels ou comme carburant alternatif pour décarboner la mobilité lourde.
Production des premiers kilos d’hydrogène
Mené en partenariat avec Sologne Agri Méthanisation (1) et Evergaz, entreprise spécialisée dans la production de biogaz qui exploite notamment le méthaniseur lamottois (2), le projet comporte cinq cellules qui produisent chacune un kilo d’hydrogène et trois kilos de carbone solide par jour. À l’horizon 2027, ce nombre va augmenter pour atteindre 200 kg par jour, ce qui permettra de lancer la commercialisation.
« Ce projet pionnier s’inscrit dans une démarche d’industrialisation de la technologie de Spark en lien avec Evergaz. Il permet la production d’hydrogène et de carbone solide, un matériau industriel, sans émissions de CO2 », nous précisait Patrick Peters qui a cofondé Spark en 2022 au sein des laboratoires de CentraleSupélec et du CNRS.
Cette première mondiale est une étape importante pour la start-up qui s’est donnée pour mission de décarboner les industries lourdes et la mobilité. Elle doit lui permettre d’accélérer la signature d’accords commerciaux. Vitrine technologique pour Spark, le démonstrateur lamottois valide sa solution en conditions industrielles réelles et démontre son potentiel à ses partenaires. Pour financer son développement, la start-up va lancer une nouvelle levée de fonds.
(1) Associant la FFE (Parc équestre), la ville de Lamotte-Beuvron, neuf exploitations agricoles, SAM est une SCIC (société coopérative d’intérêt collectif) qui produit du biogaz à partir de déchets organiques et le réinjecte dans le réseau de gaz naturel (GRDF). Cette production équivaut à la consommation de 2 700 foyers.
(2) 31 unités productrices de biogaz en Europe dont 16 en France.
Plus d’infos sur le sujet : Filière hydrogène : un potentiel pas encore libéré pour la décarbonation
Un projet important pour la filière hydrogène régionale
Le site de méthanisation de Lamotte-Beuvron, déjà reconnu pour sa production de biométhane à partir d’intrants agricoles, déchets agro-alimentaires et biodéchets collectés, se diversifie donc avec cette nouvelle production d’hydrogène décarboné.
Pionnière dans la méthanisation avec la mise en place en 2020 du tri des biodéchets et du recyclage des boues de station d’épuration en lien avec l’agriculture locale et la Fédération Française d’Équitation, la ville de Lamotte-Beuvron s’est donné pour objectif de soutenir l’économie circulaire.
Maire de la commune et président de la communauté de communes Cœur de Sologne, Pascal Bioulac voit dans ce nouveau projet une opportunité pour Lamotte-Beuvron de jouer un rôle central dans la transition énergétique : « Cette première phase de tests est une étape essentielle pour notre région, qui souhaite se positionner comme un acteur clé dans la filière hydrogène ».
Selon lui, « ce projet pourrait même s’intégrer dans une stratégie régionale plus large de création d’une “vallée hydrogène” ». L’élu espère également voir l’émergence d’une station de distribution d’hydrogène pour véhicules lourds et l’installation de nouveaux sites industriels.
Ce démonstrateur est donc un premier pas vers une production à grande échelle. Les besoins sont nombreux, avec des applications pour les industries hautement émissives (métallurgie, verrerie, cimenterie…) et la mobilité lourde qui représentent un cinquième des émissions à l’échelle mondiale.
Le maire de Lamotte-Beuvron Pascal Bioulac présente les premiers grammes de carbone solide produits à partir du biométhane. Photo mairie de Lamotte-Beuvron