« Par Autan », le vent du Radeau a soufflé à Tours

Le Théâtre Olympia (CDN de Tours) a eu la judicieuse idée de programmer la dernière création du « Radeau » de François Tanguy, présentée trois soirs de suite cette semaine. Occasion inespérée de découvrir ce théâtre si particulier et cette Compagnie installée au Mans.



Par Bernard Thinat.


François Tanguy, metteur en scène de la Compagnie du Radeau depuis 1982, dans « la Fonderie », un ancien garage devenu lieu de théâtre au Mans, est parti vers l’au-delà sans prévenir, en décembre 2022, peu avant la création de ce qui sera son dernier spectacle, « Par Autan », du nom de ce vent du sud qui assèche tout sur son passage.

Par Autan – Photo Jean-Pierre Estournet


Sa compagnie parcourt la France, rendant hommage à son Directeur artistique et metteur en scène, offrant au public de revoir pour certains, ou découvrir pour d’autres ce que son théâtre a de si particulier, sorte d’OVNI du spectacle vivant, fait de collages de divers fragments théâtraux, musicaux, littéraires.

Par Autan

Ils sont sept sur le plateau, fringués pour pas cher, vieux vêtements aux vives couleurs, chapeaux étranges, moustaches et barbe clownesques pour les hommes. Décors de bouts de ficelle, panneaux transparents qu’on déplace, rideaux qui glissent sur une corde, vieux fauteuils et bancs…

Nous sommes dans un chalet, sorte d’auberge, en montagne, en Suisse nous dit-on, avec ses sommets enneigés et son lac aux eaux bleues.

Par Autan – Photo Jean-Pierre Estournet


Le public aura droit à un chant choral, beaucoup de musique venant d’un piano de derrière la scène, une tempête (est-ce celle du Roi Lear ?), et surtout des déclarations d’ordre philosophique où il est surtout question de « paradoxe » et de « général » opposé au particulier. On décèlera derrière ces textes, les empreintes de Tchekhov, Dostoïevski, Von Kleist lorsque le « Prince de Hombourg » fera son apparition sur la scène, en chair et en os (hommage à Gérard Philipe ?). Peut-être faut-il ajouter à la liste Shakespeare ou Beckett, ce n’est pas impossible. Ce dernier probablement car on navigue en plein théâtre de l’absurde. Il est aussi question d’une épée, sorte de sabre, qui pourrait commettre un meurtre. Mais aura-t-il lieu ?

Quant au vent d’autan, il se déchaînera venant du côté cour, comédiens et comédiennes surgissant côté jardin et luttant contre le vent, parapluie brandi, rideaux et robes flottant au vent. C’est esthétiquement très beau. Dans ce capharnaüm de mots, de musiques, de décors, de personnages tout droit sortis d’on ne sait où, vogue la galère !

Par Autan – Photo Jean-Pierre Estournet


Le théâtre du Radeau est là pour donner à réfléchir au spectateur, lequel en pense ce qu’il veut, en pamoison pour certains, cherchant à donner du sens là où il n’y en a pas pour d’autres. C’est un théâtre qui existe, loin des mises en scène traditionnelles, et qu’il est intéressant de connaître, tant il est empreint de poésie, sorte de fresque unissant les arts vivants, la littérature, la musique, l’art pictural.

François Tanguy s’en est donc allé, et son théâtre, emporté par le vent d’autan dont on dit qu’il rend fou.


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