Les Rendez-Vous de l’Histoire de Blois, déjà dans l’histoire

Auteur de l’ouvrage « Les Rendez-Vous de l’Histoire de Blois, regards d’un festivalier », le professeur d’histoire en retraite Dominique Mauclair revient sur les 25 premières années de ce festival majeur qu’il a vécu de l’intérieur. Une plongée passionnante.

Dominique Mauclair parle avec passion des différentes éditions des Rendez-vous de l’histoire de Blois. Photo Jean-Luc Vezon


Par Jean-Luc Vezon
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Pourquoi avez-vous écrit ce livre parfaitement documenté et illustré qu’a préfacé Jack Lang ?

En tant qu’enseignant, festivalier, animateur d’un débat sur la justice en 2010, auteur et bénévole, il m’a semblé important de faire la synthèse de cet événement reconnu dans le monde des historiens, d’en montrer les implications intellectuelles mais aussi économiques et touristiques pour le territoire, l’impact sur l’image de la ville. Depuis la 1ʳᵉ édition en 1998 sur le thème de Crime et pouvoir, le festival n’a cessé de grandir ; il est ainsi passé de 5 000 festivaliers à 50 000.

Comment ce rendez-vous annuel est-il né ?

C’est une co-construction née d’un projet de Francis Chevrier, alors directeur des affaires culturelles de la ville de Blois, précédemment directeur du festival de géographie de Saint-Dié-des-Vosges, qu’il a proposé à l’ancien ministre de la Culture Jack Lang, alors maire de Blois. Ce dernier a utilisé son carnet d’adresses pour lancer les RDVH en 1998. Le monde des historiens, des enseignants, des journalistes, sociologues … s’est alors mobilisé pour en faire ce qu’il est aujourd’hui : un lieu de réflexion et une université populaire entièrement gratuite. (1) En 2014, sous l’impulsion d’Yvan Saumet, alors président de la CCI 41, l’Économie aux Rendez-Vous de l’Histoire de l’Histoire a vu le jour et accueille désormais les plus grands économistes français et 10 000 visiteurs.

En quoi les RDVH sont-ils importants ?

Pour les historiens, qui pouvaient avoir parfois le sentiment de « vivre dans des chapelles », les RDVH sont un temps de débats et de confrontations d’idées qu’ils plébiscitent. C’est une sorte de grande respiration. Il en va de même pour les enseignants d’histoire qui peuvent venir se former et échanger. C’est aussi un lieu d’innovations constantes que vulgarisent des Youtubeurs comme Nota Bene (2,5 millions d’abonnés). Le Marathon des images où 24 historiens analysent en cinq minutes une illustration ou un court extrait de film ou la présentation de thèses sous forme de jeu vidéo en sont des exemples, tout comme l’organisation de conférences pour des publics empêchés (détenus, malades). Le festival est enfin tourné vers les jeunes qui peuvent y développer leur jugement et culture historique.

Regards d’un festivalier est publié aux Éditions du café littéraire de la terrasse (14 €, 150 pages). Crédit JLV.


Quels sont pour vous les moments marquants des 26 éditions ?

La première édition, dans la ville marquée par l’assassinat du Duc de Guise, reste bien sûr dans ma mémoire mais les interventions de Robert Badinter (2010, la Justice) ou de Simone Veil (2004, Les Femmes) sont des temps forts. L’histoire était alors rentrée dans l’hémicycle de la Halle aux Grains. Je citerai aussi l’édition de 2020, qui a pu se tenir malgré la COVID-19 et celle de 2014 (les Rebelles) avec la polémique autour de Marcel Gauchet. Au-delà, les personnalités de Michelle Perrot, Claude Gauvard, Marc Ferro, Edgar Morin et, bien sûr, Jean-Noël Jeanneney, président du conseil scientifique du festival (mélange d’érudition et d’humour) sont pour moi des exemples d’intelligence et de talent.


L’histoire est-elle un perpétuel recommencement ? Tire-t-on assez de leçons de l’histoire ?

L’histoire ne repasse pas les plats mais souvent elle bégaie. Je crois qu’il faut éviter les erreurs du passé et comprendre les engrenages. En ce sens le travail de recherche des historiens qui travaillent sur le temps long permet de prendre du recul et donne des clefs pour agir. Mais il y a rarement d’histoire heureuse.

(1) Aucun intervenant n’est rémunéré.


Dominique Mauclair présentera son livre samedi 12 et dimanche 13 octobre lors du salon du livre sur le stand de la librairie Labbé (12 et 13 matin) et celui de la Société des Sciences et Lettres (12 matin).

Les 26 éditions des Rendez-vous de l’Histoire de Blois

  1. 1998. CRIME ET POUVOIR. Présidence : Elie Wiesel
  2. 1999. NOURRITURES TERRESTRES. Jorge Semprún
  3. 2000. LES UTOPIES. Boutros Boutros-Ghali
  4. 2001. L’HOMME ET L’ENVIRONNEMENT : QUELLE HISTOIRE ? Edgar Morin
  5. 2002. L’ÉTRANGER. Bronisław Geremek
  6. 2003. L’AFRIQUE. Abdou Diouf
  7. 2004. LES FEMMES DANS L’HISTOIRE. Simone Veil
  8. 2005. RELIGION ET POLITIQUE. René Rémond
  9. 2006. L’ARGENT, EN AVOIR OU PAS. Louis Schweitzer
  10. 2007. L’OPINION. INFORMATION, RUMEUR, PROPAGANDE. Alain Corbin
  11. 2008. LES EUROPÉENS. Daniel Cohn-Bendit
  12. 2009. LE CORPS DANS TOUS SES ÉTATS. Françoise Héritier
  13. 2010. FAIRE JUSTICE. Robert Badinter
  14. 2011. L’ORIENT. Pierre Nora
  15. 2012. LES PAYSANS. Erik Orsenna
  16. 2013. LA GUERRE. Bertrand Tavernier
  17. 2014. LES REBELLES. Michelle Perrot
  18. 2015. LES EMPIRES. Bernard Guetta
  19. 2016. PARTIR. Michaëlle Jean
  20. 2017. EURÊKA. INVENTER, DÉCOUVRIR, INNOVER. Cédric Villani
  21. 2018. LA PUISSANCE DES IMAGES. Cartooning For Peace
  22. 2019. L’ITALIE. Teresa Cremisi
  23. 2020. GOUVERNER. Esther Duflo
  24. 2021. LE TRAVAIL. Florence Aubenas
  25. 2022. LA MER. Isabelle Autissier
  26. 2023. LES VIVANTS ET LES MORTS. Michel Pastoureau

Rendez-vous de l’Histoire de Blois, en 2017. Crédit Magcentre.

Commentaires

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  1. Je ne savais pas que Robert Badinter et Simone Veil étaient des historiens. Le festival entretient la confusion des genres.

  2. Merci pour l’éclairage de ce magnifique rendez-vous. Personnellement je participe pour la 3e fois. Magnifiques moments d’échanges et de partagés. Je ne ressort pas de ce salon du livre sans une saine fatigue, tant les rencontres sont nombreuses et riches.

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