Cancer de la prostate : un dépistage qui fait polémique

Ce vendredi 20 septembre a lieu la Journée Européenne de la prostate. Cette journée a pour but de sensibiliser le plus grand nombre d’hommes aux maladies de la prostate. Elle souhaite, entre autres, alerter et informer sur l’intérêt d’un diagnostic précoce du cancer de la prostate. Ce dépistage est-il universellement recommandé pour tous les hommes ?

Image d’illustration. source Freepik


Par Jean-Paul Briand.


La prostate, située sous la vessie, est une glande de l’appareil génital masculin. Initialement elle est de la taille et de la forme d’une châtaigne. Elle participe à la production du liquide séminal qui entre dans la composition du sperme. À partir de la quarantaine elle a tendance à augmenter de taille. Cette croissance est généralement bénigne et fait partie du vieillissement. Une protéine, produite par la prostate, est présente en petites quantités dans le sang : le Prostate-Specific Antigen (PSA), ou antigène prostatique spécifique (APS). Ce PSA augmente dans la plupart des cas de cancers de la prostate (CaP). Son dosage sanguin est considéré comme un élément permettant de diagnostiquer (et de surveiller) un CaP qui peut se développer sans symptôme apparent.

Un sur-diagnostic de cancers 

Le CaP est un cancer le plus souvent de bon pronostic avec un taux de survie élevé (âge médian au diagnostic : 69 ans – âge médian au moment du décès : 83 ans). Dans les formes agressives, si le diagnostic est trop tardif, son évolution peut être néanmoins rapidement fatale. Rare avant 50 ans, son incidence augmente progressivement avec l’âge. En France c’est aujourd’hui le premier cancer des hommes. Cette augmentation du nombre de CaP pose problème. Une étude du Centre internationale de recherche sur le cancer (Circ) conclue que c’est probablement l’utilisation anarchique du PSA qui est responsable de la hausse du nombre de CaP. Un autre travail signale que le dépistage du CaP par dosage du PSA montre une discrète diminution de sa mortalité spécifique mais n’améliore pas la mortalité globale de la population masculine.

Un cancer parfois asymptomatique et qui ne menace pas la vie

En effet l’augmentation du PSA n’est pas caractéristique du CaP. Elle existe dans :

  • l’hyperplasie bénigne de la prostate (HBP) fréquente chez les hommes de plus de 50 ans ;
  • la prostatite (infection ou inflammation de la prostate) ;
  • les manipulations de la prostate (toucher rectal, biopsie prostatique, éjaculation récente).

Ce manque de spécificité vis à vis du CaP entraîne de nombreux faux positifs et des surdiagnostics obligeant à des examens supplémentaires pas toujours anodins (IRM, biopsie, scanner, scintigraphie). Il existe également des faux négatifs : le CaP est bien présent malgré un taux de PSA normal. Or dans 90% des cas, le CaP est un adénocarcinome à évolution lente, restant souvent localisé dans la prostate pendant de nombreuses années sans provoquer de symptômes ni menacer la vie.

Un dépistage systématique non recommandé par la HAS

Détecter par PSA des CaP à évolution lente, qui n’auraient jamais mis en danger la vie du patient, peut conduire à des traitements lourds, des dépenses de santé inutiles et parfois provoquer une anxiété et un stress considérables chez le patient et sa famille. Toutefois, certains cancers plus agressifs peuvent évoluer rapidement vers des formes métastatiques et résistantes aux traitements. Ces raisons font que dans la plupart des pays le dépistage systématique n’est pas recommandé même pour des hommes considérés à risque (personnes âgées, origine afro-antillaise, antécédents familiaux). La Haute Autorité de Santé rappelle « qu’il n’a pas été retrouvé d’éléments scientifiques permettant de justifier un dépistage du cancer de la prostate par dosage du PSA dans des populations masculines considérées comme plus à risque de cancer de la prostate ».

Le choix du patient

Le PSA est un outil imparfait pour le dépistage du CaP. Son dosage doit être utilisé avec prudence et rester un choix individuel du patient bien informé des bénéfices et des désavantages. Heureusement il existe aujourd’hui des méthodes pour évaluer l’apparition et l’évolution d’un CaP telle que la surveillance active qui a pour objectif de retarder un traitement et ses effets indésirables, tant qu’il n’est pas nécessaire…

Plus d’infos autrement sur Magcentre : Mais pourquoi le dépistage du cancer du sein régresse-t-il ?

 

Commentaires

Toutes les réactions sous forme de commentaires sont soumises à validation de la rédaction de Magcentre avant leur publication sur le site. Conformément à l'article 10 du décret du 29 octobre 2009, les internautes peuvent signaler tout contenu illicite à l'adresse redaction@magcentre.fr qui s'engage à mettre en oeuvre les moyens nécessaires à la suppression des dits contenus.

  1. Merci de cet article rigoureux et exhaustif. Il nous apprend aussi que c’est à chacun, chacune d’entre nous de gérer sa santé, aidé en cela par le corps médical mais sans que l’un domine l’autre.
    En ce qui concerne la prostate même est-il exact qu’une miction en plusieurs jets est une bonne prévention ?

  2. Uriner par jets successifs, c’est-à-dire interrompre volontairement le flux d’urine, n’a pas été scientifiquement associé à une protection contre le cancer de la prostate ou à d’autres bienfaits significatifs pour la santé de cette glande.Par contre des études suggèrent que la masturbation, ainsi que d’autres formes d’éjaculation régulière, pourraient avoir un effet protecteur contre le cancer de la prostate. Une étude* publiée en 2016 dans la revue European Urology a révélé que les hommes qui éjaculaient fréquemment (21 fois ou plus par mois) avaient un risque réduit de développer un cancer de la prostate par rapport à ceux qui éjaculaient moins souvent.

    * : https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/27033442/

Les commentaires pour cet article sont clos.

Centre-Val de Loire
  • Aujourd'hui
    1°C
  • vendredi
    • matin -2°C
    • après midi 2°C
Copyright © MagCentre 2012-2024