Face à l’explosion des cas d’obésité dans le monde, de nouveaux traitements médicamenteux promettent des résultats proches de ceux de la chirurgie. Bien que révolutionnaires et plébiscités par le public, ces solutions soulèvent des questions sur leur efficacité à long terme et suscitent déjà les mises en garde du corps médical.
Par Philippe Emy.
Un milliard de personnes dans le monde souffrent d’obésité. En 30 ans le taux d’obésité a même doublé chez l’adulte et quadruplé chez les enfants et adolescents, un phénomène désormais devenu un problème majeur de santé publique. L’obésité, définie par un indice de masse corporel supérieur à 30kg/m2 (poids divisé par la taille au mètre carré), a vu sa prévalence en France passer de 8,5% en 1997 à 17% en 2020. Chez les plus de 18 ans, 2% sont atteints d’obésité morbide définie par un IMC supérieur à 40. Aux États-Unis la situation est encore plus alarmante avec une prévalence de l’obésité qui frise les 50%.
Souvent associée à des comorbidités comme le diabète, l’hypertension, et l’hypercholestérolémie c’est une affection chronique classée comme la cinquième cause de mortalité dans le monde. À l’exception de rares maladies génétiques, l’obésité est liée à la malbouffe, l’immobilisme et au temps passé devant les écrans.
Les traitements de l’obésité se résumaient à la diététique et la chirurgie
Tout a été dit, écrit, et vendu sur le traitement de l’obésité, y compris des prescriptions dangereuses et maintenant retirées du marché comme les amphétamines, les hormones thyroïdiennes, les laxatifs, les diurétiques… Mais les mesures hygiéno-diététiques (modification du mode vie, alimentation équilibrée, activité physique régulière) sont bien la pierre angulaire de la prise en charge et accompagnent obligatoirement tous les traitements adjuvants, qu’ils soient chirurgicaux ou médicaux.
La chirurgie de l’obésité, dénommée bariatrique, est réservée aux patients présentant une obésité majeure (IMC supérieur à 40 ou à 35 kg/m2 en cas de comorbidités associées). Elle permet de diminuer la quantité d’aliments absorbés et/ou leur assimilation. C’est une chirurgie définitive et mutilante, consistant soit en une réduction de la taille de l’estomac accompagnée d’un contournement d’une partie de l’intestin grêle (bypass), soit en l’ablation d’une grande partie de l’estomac (sleeve gastrectomie). La perte de poids moyenne est conséquente, atteignant environ 27,5 kg en 2 ans.
L’espoir de nouveautés médicamenteuses aux effets secondaires non négligeables
Les traitements médicaux, représentés par les incrétinomimétiques, sont une avancée majeure dans le traitement de l’obésité. Utilisés initialement dans le traitement du diabète de type 2, administrés une fois par semaine par voie sous-cutanée, ils ralentissent la vidange gastrique et stimulent les récepteurs cérébraux de la satiété. Les résultats des dernières générations de ces molécules affichent une perte de poids de 12 à 20% du poids initial après 40 semaines de traitement, comparables à ceux obtenus avec la chirurgie bariatrique.
Des molécules aujourd’hui contenues dans de nombreux médicaments sur le marché comme l’Ozempic et plus récemment Wegovy, Mounjaro, Saxenda. Comme tout médicament ils ne sont pas dénués d’effets secondaires. La limitation du passage de la nourriture dans l’estomac peut être responsable de nausées, vomissements, de douleurs abdominales. Plus rarement ont même été observées des pancréatites (inflammation du pancréas). La perte rapide de poids entraine une réduction de la graisse viscérale et sous cutanée, ainsi que de la masse musculaire. La peau devient flasque, les rides se creusent, nécessitant parfois des traitements esthétiques.
Des effets indésirables qui ne freinent cependant pas l’engouement pour ces traitements, largement amplifié par les réseaux sociaux, où de nombreuses personnalités en font la promotion. Comme Kim Kardashian, l’une des reines de l’influence sur Internet, qui y a eu recours pour pouvoir rentrer dans la célèbre robe de Marilyn Monroe. La demande est telle que les deux laboratoires pharmaceutiques qui se partagent le marché, l’un Danois Novo Nordisk, l’autre Américain Lilly ne font plus face. Les chaines de productions sont saturées et de nouvelles sont construites.
En France l’HAS (Haute Autorité de Santé) a émis, le 5 septembre 2024, un avis favorable pour le Mounjaro dans le traitement de l’obésité et du diabète de type 2. Le remboursement se fera sous conditions. La prescription est encadrée : après l’avis d’un spécialiste de l’obésité, pour des patients ayant un IMC de plus 35kg/ m2, et après un échec d’une diététique bien suivie pendant 6 mois (moins de perte de 5% de perte de poids).
Bien que ces nouveaux traitements anti-obésité soient une avancée scientifique pleine d’espoir pour endiguer ce fléau mondial, deux interrogations viennent pondérer cet enthousiasme : le traitement est-il préconisé à vie ? Ce qui semble être le cas car l’arrêt du traitement entraine la reprise de poids en quelques mois et l’observance est modérée : 27% des sujets ont arrêté leur traitement à l’issue de la première année.
Les organismes payants pourront-ils endosser des coûts exorbitants pour un résultat sur la durée aléatoire ? À titre d’exemple, le coût annuel du traitement par les incrétinomimétiques aux États-Unis est évalué à 600 milliards de dollars !
Plus d’infos autrement sur Magcentre :
Chartres, épicentre pharmaceutique : Novo Nordisk investit 2 milliards d’euros et fait le bonheur d’Emmanuel Macron