[Rétro] Conférence gesticulée pour une Sécurité Sociale de la mort

Pendant la trêve estivale, Magcentre prend le temps de revenir sur l’actualité qui a rythmé cette première moitié de l’année 2024. Nous vous proposons quelques articles qui ont marqué ces derniers mois.

Première publication vendredi, 19 janvier 2024


Ce 13 janvier 2023, deux profs ont présenté à Orléans leur conférence gesticulée, drôle et convaincante, en faveur d’une Sécurité Sociale de la mort. Un événement proposé par l’association Pour une alternative funéraire dans le Loiret.

Conférence gesticulée Pour une Sécurité Sociale de la mort 13 janvier 2023 Orléans
Conférence gesticulée d’Alban Beaudoin et Jean-Loup de Saint-Phalle Pour une Sécurité Sociale de la mort, le 13 janvier 2023 à Orléans. Photo Sophie Deschamps


Par Sophie Deschamps


Après la santé, la mort pourrait faire l’objet d’une Sécurité Sociale car nous sommes toutes et tous voué.es à disparaître. Une idée très sérieuse défendue ce 13 janvier à la maison des associations d’Orléans par deux profs d’histoire-géo de Chambéry, Alban Beaudoin et Jean-Loup de Saint-Phalle au cours d’une conférence gesticulée drôle et instructive à la fois. Cette prise de parole publique qui s’apparente à une action d’éducation populaire permet en effet d’aborder un sujet d’actualité en y mêlant humour, informations, réflexion et… propositions.

Loi Sueur de 1993

Nos deux compères, amis et complices de longue date ont ainsi abordé la mort mais essentiellement sous son aspect économique. C’est-à-dire lorsqu’il faut passer à la caisse lors du décès d’un proche. Avec une facture qui flambe ces dernières années avec un coût moyen des obsèques de 3 800 euros, tant pour l’inhumation que pour la crémation. Cette augmentation s’explique aussi par “le sentier de dépendance” sur lequel on se trouve lors de la mort d’un proche et mis en évidence par la sociologue Pascale Trompette. Selon elle « au moment où le deuil commence, les clients sont désorientés et leur consentement est obscurci. Ils délèguent une partie de leurs décisions et se laissent guider. » 

Les prestations funéraires augmentent donc et ce malgré la fameuse loi Sueur de 1993 qui a évidemment une résonance particulière dans la cité johannique puisqu’elle émane de l’ancien maire d’Orléans, Jean-Pierre Sueur, alors Secrétaire d’État aux collectivités locales. Cette loi a en effet mis fin au monopole communal des obsèques détenu jusque-là par les Pompes Funèbres Générales. Une entreprise créée en 1828 et toujours largement leader sur ce marché très lucratif, soit dit en passant.

Conférence gesticulée pour une Sécurité Sociale de la mort, 13 janvier 2023 Orléans
Conférence gesticulée d’Alban Beaudoin devant le portrait de Michel Leclerc, pour une Sécurité Sociale de la mort, 13 janvier 2023 à Orléans.


La fin du monopole a notamment permis à un certain Michel Leclerc (sur la photo à gauche) de se positionner sur le secteur des services funéraires en créant les obsèques low cost notamment avec Roc Eclerc revendu en 2015 au Groupe Funecap. Mais dans la réalité ces deux groupes se partagent plus de la moitié du secteur, les autres (petites) entreprises funéraires se partageant l’autre moitié. 

Pourquoi doit-on payer pour sa mort ?

La conférence prend un tour résolument non politiquement correct quand Alban et Jean-Loup mettent les pieds dans le plat en interrogeant le fait que nous devons payer, ou nos proches, pour nos obsèques. Ils expliquent au passage que des aides communales existent quand la famille n’a pas les moyens de payer les obsèques. Mais on l’ignore encore trop des aides de la CAF, de la CCAS ou de la CPAM existent pour tout le monde. Curieusement, ces informations ne sont pas données aux agents funéraires au cours de leur formation. 

Pire, on apprend que jusqu’en 2018 les députés avaient droit à une allocation obsèques pouvant aller jusqu’à 18.000 euros (!). Une allocation ramenée à 2.350 euros depuis 8 ans mais qui bénéficie à vie au député.e, à son épouse ou son époux et à ses enfants.

Une Sécurité Sociale de la mort

Mais comment financer une Sécurité sociale de la mort ? C’est très simple répondent les deux profs. Il suffit de prélever une taxe de 0,27% sur les salaires bruts. (Pour rappel une taxe de 0,5 % – la CRDS – est prélevée depuis 1996 sur nos salaires bruts et jusqu’en 2024 pour rembourser l’endettement social) Ainsi chacun.e cotiserait à son degré pour financer les obsèques. Les agents funéraires seraient alors des salariés professionnels au sein d’une entreprise à but non lucratif mais gardant une certaine liberté d’action grâce à un collège de citoyens. En un mot, il s’agit de sortir la mort du marché capitaliste et donc de cesser de faire du profit sur le dos de nos défunt.es.

Vous pouvez retrouver l’argumentation complète de nos deux conférenciers sur la Sécurité sociale de la mort ici


Pour aller plus loin sur Magcentre
 : Vers une coopérative funéraire dans l’Orléanais

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