Pendant la trêve estivale, Magcentre prend le temps de revenir sur l’actualité qui a rythmé cette première moitié de l’année 2024. Nous vous proposons quelques articles qui ont marqué ces derniers mois.
Première publication vendredi, 19 janvier 2024
Christophe Lidon, directeur du Cado, présentait du 18 au 28 janvier, « Albert & Charlie » dont il a lui-même assuré la mise en scène, pièce écrite par l’écrivain Olivier Dutaillis, imaginant ce qu’auraient pu être les rencontres entre le scientifique et le virtuose du cinéma.
Par Bernard Thinat.
Albert Einstein et Charlie Chaplin se sont rencontrés une première fois en 1926, certainement en Europe, puis par deux fois en 1931 à Los Angeles, d’abord en janvier lors d’un repas auquel assistait Elsa Einstein, l’épouse d’Albert, puis le 2 février en public pour la sortie des « Lumières de la Ville ». Ils ne se reverront plus, bien que le couple Einstein ait émigré en 1936 et se soit installé à Princeton dans le New Jersey.
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Albert Einstein Charlie Chaplin 1931 Sce Wikipédia
Sur le plateau, côté cour, un piano d’époque et côté jardin, bureau et fauteuil où Albert (Daniel Russo) est censé travailler sur la relativité, comme on sait. Il chiffonne papier sur papier, au grand dam de sa gouvernante (Elisa Benizio). Survient Charlie (Jean-Pierre Lorit) venu rendre visite à son ami dont l’épouse Elsa est décédée récemment. Nous sommes en 1936 à Princeton. Tous deux évoquent la montée des fascismes en Europe, effrayés par le silence des démocraties. Albert fulmine contre l’embrigadement de la jeunesse dans son pays natal, dénonçant l’uniforme imposé à l’école ou le mot d’ordre qu’il martèle « obéir, obéir, obéir… ». (Tiens, ça rappelle quelque chose, ici et là). Quant à Charlie, il pense déjà au « Dictateur », projet qui reçoit une vive opposition de la part de son ami.
Albert & Charlie – Photo Cado
Dans une seconde partie de la pièce, Olivier Dutaillis nous projette en 1945, lorsque la radio annonce la bombe larguée sur Hiroshima. Retour de Charlie chez Albert, légèrement courbé par l’âge. Albert se sent-il coupable ? « Il fallait la fabriquer avant Hitler », s’excuse-t-il. Plus tard, avec quelques distorsions des années, c’est Charlie qui est la cible de la commission McCarthy, ce qui l’amènera à s’exiler en Europe afin d’échapper aux interrogatoires absurdes du FBI. Les quelques derniers mots d’Albert sont pour un rêve, celui de se voir Président de l’Etat d’Israël, où musulmans et juifs vivraient en parfaite harmonie. « On n’en prend pas le chemin », déplore-t-il.
Relevons quelques citations d’Albert : « Je prends la nationalité du pays où je me trouve ! », méprisant tous les nationalismes, ou bien « En dictature, on gouverne par la force, en démocratie, on gouverne par le mensonge… », ce qui ne manque pas d’à-propos aujourd’hui.
Les deux acteurs, Daniel Russo à la perruque blanche abondante, et Jean-Pierre Lorit, très bien dirigés par Christophe Lidon qui excelle dans ce rôle, ne laissent pas le public s’endormir, la multitude de sujets abordés avec plusieurs clins d’œil à l’actualité permettant toujours de rebondir, la gouvernante Elisa Benizio à l’accent savoureux, créant des ruptures bienvenues dans les échanges entre les deux génies.
Elisa Benizio, Jean-Pierre Lorit et Daniel Russo – Photo BT
Quant au fond de décor dû à Catherine Bluwal, il représente un tableau empli de signes mathématiques, fuyant vers le côté cour de la scène, tel le temps qui passe et qui s’enfuit inexorablement. Signalons aussi l’excellent jeu de lumières dues à Cyril Manetta et les costumes, comme à l’accoutumée, créés par Chouchane Abello-Tcherpachian. Le public sort ravi, et c’est bien l’essentiel.
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