Et si Dom Juan avait été un rockeur ? La statue du commandeur l’aurait-elle embarqué dans les flammes de l’enfer ? Telle est l’idée de la Compagnie Lévriers, basée à Dampierre-en-Burly, dans le Loiret, qui présente une version rock du célèbre drame de Molière, « Requiem pour un fou », tel est le titre.
Par Bernard Thinat
Tous les personnages de Molière, ou presque, sont sur le plateau : Sganarelle qui risquera sa peau en revêtant les habits de son maître, Elvire qui en pince pour le rockeur, Charlotte que Pierrot aime, mais séduite par Dom Juan, Madame Dimanche (transgenre opéré par la Cie) qui veut récupérer l’argent investi dans le concert, et bien sûr, le rockeur Dom Juan, perdu entre ses amours et le concert qui doit avoir lieu le soir même. Mais aura-t-il lieu ? Toute la question est là. Encadré par deux musiciennes, chanteuses et comédiennes, l’une au clavier, l’autre à la guitare basse, et d’un batteur, Dom Juan alias Johnny alias Jules Fabre enflamme la salle, grattant sa guitare électrique, avec son timbre de voix chaleureuse, voire légèrement gutturale.
On reconnaît bien évidemment la pièce de Molière, entrecoupée de titres rock, 50/50 entre texte et musique, me diront les créateurs de la pièce. Chansons rock des années 1950, réarrangées par la Compagnie : on croit reconnaître Elvis Presley, Ritchie Valens et quelques autres…
Il fallait une folle audace pour imaginer intercaler du rock dans le drame de Molière : pari tenté et réussi. On sait que Dom Juan, version Molière, disparaît dans les flammes de l’Enfer, entraîné par la main du Commandeur. Ici, sans trop dévoiler la fin, disons que les auteurs de la pièce font un sacré clin d’œil au club des 27, ces rockeurs dont les plus connus, Jimi Hendrix et Jim Morrison, sont morts à 27 ans. Et comme Jules le rockeur a 27 ans, la boucle est bouclée.
Lors des saluts : Jules Fabre (Dom Juan le rockeur), 2ᵉ à partir de la gauche. – Photo B.T.
« Requiem pour un fou » (1) a été écrit à quatre mains par Nolwen Cosmao et Jules Fabre, lequel a assuré la mise en scène conjointement par Nina Ballester, et tient le rôle du rockeur Dom Juan. Et quel chanteur ! « La Compagnie aime bien travailler sur les archétypes qui sont dans la contradiction, les figures controversées, et comme nous créons du théâtre musical, et qu’on est très intéressés par les stars du rock, Dom Juan avec sa volonté de liberté correspondait tout à fait au projet de la Compagnie », explique Jules Fabre. « On trouve que le texte de Molière a un côté rock’ Roll avec un souffle anarchiste », ajoute-t-il. Après mûre réflexion, la Compagnie a décidé de reprendre entièrement le texte, dans un travail de réécriture, tout en gardant la dramaturgie de Molière.
La Compagnie Lévriers, soutenue par la mairie de Dampierre, se positionne sur un développement territorial dans le val de Sully-sur-Loire et de Saint-Benoît, en partenariat avec le théâtre de l’Escabeau à Briare. Mais les créateurs de la Cie Lévriers avaient envie d’une liberté artistique, de développer leur identité. Ils sont aujourd’hui engagés dans un travail de territoire dans un lien entre création artistique et médiation culturelle, intervenant à l’école élémentaire de Dampierre, ou intégrant des amateurs dans leur travail. Il ne reste plus, et c’est leur espoir, que la Compagnie soit reconnue et soutenue par la Région et la DRAC.
Requiem pour un fou
Texte : Nolwen Cosmao
Mise en scène : Nina Ballester et Jules Fabre
Jeu : Aleksandra Betanska, Jules Fabre, Laetitia Franchetti, Clément Paul Lhuaire, Aubin Lhuaire, Aylal Saint Cloment
ㅤ
