Salim Sdiri, retour de Flamme !

Avec trois sélections aux Jeux Olympiques, 14 titres de champion de France de saut en longueur (il est toujours détenteur du record), Salim Sdiri reste un phénomène dans le monde sportif. Il a quitté Montargis en 2016, mais il est revenu pour le passage de la flamme olympique dans la ville de son cœur. En tant que parrain de l’événement, pas en tant que porteur…

Entre les Montargois et Salim Sdiri, la reconnaissance est mutuelle – Photo Izabel Tognarelli


Par Izabel Tognarelli



Terminée l’époque où l’on croisait Salim Sdiri dans la rue Dorée, son casque de moto sous le bras. Il vous saluait alors avec un grand sourire, sans façon : Salim a quitté Montargis et même l’Hexagone. Mais pas la France, puisqu’il a élu domicile à La Réunion. À l’approche du passage de la flamme olympique à Montargis (qu’il appelle toujours « ma ville »), Salim a parcouru les 11 000 kilomètres en sens inverse. Magcentre en a profité pour le solliciter afin qu’il se prête à l’exercice du portrait ; le deuxième pour l’auteur de ces lignes. Et c’est un Salim nouveau, un autre homme, qui s’installe face à nous pour se confier.

Le virage de la reconversion est réussi !

Depuis trois ans, Salim Sdiri est cadre coordonnateur dans une clinique privée de Saint-Denis de la Réunion, avec pour seule supérieure hiérarchique la directrice de l’établissement : « Je suis responsable de toute l’équipe médico-technique et de l’équipe de rééducation. Je coordonne les soins depuis l’entrée des patients jusqu’à leur sortie, avec les médecins et les autres praticiens. J’ai d’autres missions transversales : je suis impliqué dans toute la vie de la clinique, tous ses projets, toute sa stratégie. Cette année, nous avons obtenu la certification HAS. Je travaille beaucoup sur la qualité des soins de l’établissement ». Salim Sdiri, hyper valide parmi les valides – mais qui a bien failli être terrassé – prenant soin de ceux qui, d’une façon ou d’une autre, grand âge, accident, rééducation postopératoire, se retrouvent abîmés, voilà un parcours intéressant. Et qui a du sens !

Deuxième grande question que se posent tous ceux qui ont entendu parler de sa singulière histoire : que s’est-il passé depuis que la mort l’a frôlé, lors du Golden Gala de Rome, en 2007 ? « Après un tel accident, on n’est plus le même. Le javelot a amorcé sa descente à plus de 100 km/h. Issam Nima, athlète algérien, s’est baissé pour ramasser ses chaussures au moment où le javelot est passé. Le monde entier a vu ces images ». Durant cette période, Salim estime avoir été lâché par sa fédération. « Cet accident est peut-être ce qui m’a permis d’avoir un déclic et comprendre le sens de ma vie. Bien longtemps après, je l’ai pris comme un cadeau. Mon accident m’a aidé dans beaucoup de domaines. Deux ans après, j’ai battu le record de France ».

Voilà qui a contribué à forger l’homme nouveau : le temps, forcément, et puis les coups qui détruisent ou construisent, mais qu’il vaut mieux apprendre très tôt à encaisser. Qu’en est-il des constantes, celles qui caractérisent Salim Sdiri depuis le temps que nous le connaissons ?

À Montargis, le rendez-vous populaire était réussi : le bain de foule a duré des heures, de même que la séance de dédicaces ! – Photo Izabel Tognarelli

Un plongeon dans le temps

On connaît la passion de Salim pour les reptiles. À présent, il élève des tortues. « Je suis fasciné par cet animal hyper vulnérable et qui a traversé toutes les catastrophes naturelles, toutes les variations climatiques. Elles ont survécu à l’extinction des dinosaures. Avec mes tortues, je fais un retour en arrière de plusieurs millions d’années. C’est une richesse : j’ai l’impression de vivre à plusieurs époques. J’observe, j’apprends et puis aussi, ça m’apaise ».

Ces tortues, traits d’union entre la terre et l’eau, voilà un autre aspect de la personnalité de Salim : « J’aime l’océan. Quand je suis à la pêche, mon esprit entre en connexion avec l’eau. L’océan me parle. Je lis l’océan. Je regarde les courants, je vois les oiseaux, leur façon de voler ; je vois des petits poissons. Si je vois des petits, c’est qu’il y a des gros en dessous. J’observe aussi le vol des oiseaux ; il me dit quels poissons se trouvent à l’aplomb : telle espèce chasse de telle façon. S’ils font des zigzags avec des angles secs, ce sera des dorades coryphènes. Pour des thons, ils voleront différemment. J’apprends, je lis, du coup, j’ai l’impression de faire partie de cet élément ». Voilà qui nous ramène à l’enfant et l’adolescent que Salim Sdiri a été, courant dans les cours d’eau de la Venise du Gâtinais, s’aventurant dans les galeries souterraines qui mènent au château Saint-Louis ; ce jeune homme passionné de mathématiques qui se rêvait en ingénieur et n’avait pas imaginé qu’il serait athlète de haut niveau, enfant du monde et de Montargis.

« Quand j’ai lu les noms des porteurs de flammes et que le mien n’y figurait pas, j’ai pris un deuxième javelot »

Durant les quelques jours qui ont précédé l’événement, dans la rue, sur le marché, sur les terrasses des cafés, la nouvelle était accueillie avec incrédulité : Salim Sdiri ne figurerait pas parmi les porteurs de la flamme.

Pendant toutes ces années, y compris pendant ses trois participations aux JO, il est pourtant resté licencié à l’USM Montargis, fidèle y compris quand d’autres clubs, notamment le Racing Club de Paris, tentaient de le recruter, avec de l’argent à la clef : « J’aime Montargis. Je n’oublierai jamais cette ville. Ce sont mes racines, je l’ai dans les veines : c’est comme ça. Je suis heureux que les JO aient lieu en France et qu’en plus la flamme olympique passe à Montargis. Nous ne serons plus de ce monde la prochaine fois que cela aura lieu. Que je porte la Flamme à Montargis, cela coulait de source. Quand j’ai lu les noms des porteurs de flammes et que le mien n’y figurait pas, j’ai pris un deuxième javelot, cette fois-ci dans le cœur : ce n’était pas possible. Qu’on me dise qui a pris cette décision et que cette personne me donne une raison valable. J’ai été écarté des seize porteurs. Je ne comprends pas ». Christian M’Billi et Pauletta Foppa sont les autres sportifs montargois associés à l’olympisme : « Il est normal que Christian Mbilli figure parmi les porteurs de flamme. Pauletta Foppa aurait également dû porter la flamme. ».

Depuis le départ de la flamme, les choix interrogent. À Montargis, Pauletta, Christian et Salim ont montré un magnifique visage de la France d’aujourd’hui, belle dans sa diversité, et chargée d’une extraordinaire énergie fédératrice.

Pauletta Foppa, Salim Sdiri et Christian M’Billi, les trois figures de l’olympisme à Montargis – Photo Izabel Tognarelli

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