Ce mercredi 3 juillet, à Orléans, l’association Les Amis de René Thinat, a rendu hommage à cet homme de culture et d’écoute qui fut maire de la ville d’Orléans de 1971 à 1978. Cette association, qui s’est depuis toujours donné pour mission de valoriser chaque année des jeunes pour leur créativité, a décerné ses prix à deux étudiants du conservatoire d’Orléans.
Par Jean-Dominique Burtin
De la musique entre autres belles choses
Daniil Lobkov et Charlotte Couturier, lauréats. Photo : JDB
Cet événement, réalisé en partenariat avec la mairie d’Orléans, s’est déroulé au centre municipal, au musée des Beaux-Arts ainsi qu’en l’Hôtel Groslot d’Orléans. Ainsi, le Prix d’un montant de 1 000 euros et une bourse de 500 euros ont été décernés à deux élèves du conservatoire d’Orléans, respectivement à Charlotte Couturier, flûtiste, élève dans la classe de Pierre Baranger, et à Daniil Lobkov, pianiste, élève dans la classe de Daniel Benzakoun. Deux jeunes étudiants qui soulèvent, dans leur vie quotidienne, des montagnes pour bâtir leur carrière musicale. Avant de leur remettre leur Prix en l’Hôtel Groslot, en présence de Régine Bréand, deuxième adjoint au maire, Philippe Barbier, président des Amis de René Thinat, a souligné que le choix de désigner ces deux étudiants était le fruit d’une concertation avec Julien Vanhoutte directeur du conservatoire de la cité. Et ce dernier de saluer, du reste, l’action de l’association «
d’une valeur inestimable ».
« Lorsque la recherche de sens est devenue une véritable quête »
De fait, en ce 3 juillet, l’association fêtait son 45ᵉ anniversaire par la mise sur pied d’un événement comportant conférence, concert, exposition, édition. Philippe Barbier, son président : « La création de l’association, cette initiative inspirée et inspirante, voulue par les plus proches de l’ancien maire décédé brutalement, a consisté à raviver le souvenir de celui que tout le monde reconnaissait comme un humaniste, tout aussi passionné qu’attentionné à l’égard des autres. L’association s’est alors donné comme mission de valoriser chaque année des jeunes qui, par leur créativité, participent à dessiner la société de demain. À une époque où la recherche de sens est devenue une véritable quête, la mise à l’honneur de ces musiciens, artisans ou designers est d’abord le moyen de célébrer l’éloge de la main. »
Françoise Thinat, pianiste de renommée internationale, personnalité du monde musical, fondatrice du Concours International de piano d’Orléans et du fonds de dotations Galaxie Y : « Je suis heureuse en ce 45ᵉ anniversaire de la disparition de mon père, de venir remercier tous les acteurs de cette association à son nom qui continue avec respect et efficacité de défendre ses valeurs. Et en particulier cette idée aussi philosophique que politique de l’importance de la main pour l’homme, ce qui peut nous promener dans l’Antiquité mais aussi plus loin encore quand la survie dépendait pour l’homme de son adresse et de sa force … merci de tout cœur à tous les amis d’un homme qui ont pu apprécier son humour, sa générosité mais aussi sa culture et son empathie pour les autres. Son amour et respect de tout art et artisanat qui nous vient de la main de l’homme. »
L’éloge de la main et la société digitale
Jean-Philippe Pierron, conférencier. Photo : JDB
Comme chaque année, après son assemblée générale, l’association a déposé, dans le hall de la mairie d’Orléans, une gerbe devant le buste de René Thinat. À l’occasion de cette manifestation, l’association avait également invité Jean-Philippe Pierron, agrégé et docteur en philosophie, responsable du master humanités médicales et environnementales à Dijon, auteur, à donner une conférence intitulée « L’éloge de la main. Quel éloge de la main à l’heure de la société digitale ? ». Jean-Philippe Pierron, qui nous propose de découvrir comment le toucher soigne notre présence au monde aux autres et à nous-mêmes, conférencier pour qui la main est l’outil de tous les outils, l’organe de tous les organes essentiel au devenir des vivants, souligne qu’il peut nous arriver de scroller sur son téléphone portable cent mètres d’images par jour et que la brutalité réduit la main au doigt. Passionnant et non réducteur, il poursuit : «
Le toucher nous ancre dans la vie. Le tact fonde notre lien à l’autre. La main pense. Les gestes créatifs, ceux des artistes et des artisans ou ceux que nous produisons au quotidien, réveillent en nous la liberté de gestes qui ouvrent et pas simplement de gestes qui prennent et se servent. Ils permettent une meilleure compréhension de notre présence au monde et de notre manière de l’habiter ».
Et Jean-Philippe Pierron, d’ajouter, entre autres : « Avec les dispositifs numériques lisses, l’idée prend une ampleur maximale, abrasant l’hétérogénéité rugueuse des contenus. C’est la même pression digitale qui, via nos écrans, donne accès à des mondes aussi différents que celui des logiciels, des photos ou des vidéos. Le canal de l’écran digital appauvrit et unidimensionnalise notre expérience du monde. Le digital exalte le doigt aux dépens du monde pris à pleines mains. Alors le défi est de prendre soin de la dimension incarnée des relations au travail. Ne peut-on pas le faire en valorisant la qualité des gestes professionnels, la maintenance comme soin des choses et en identifiant le travail des mains comme le travail vivant ? »
À l’heure des concerts et des images
À l’issue de cette conférence donnée à l’auditorium du musée des Beaux-Arts d’Orléans, Charlotte Couturier et Daniil Lobkov ont interprété, de jolies mains de maîtres, le premier mouvement de la Sonate pour flûte et piano, de Francis Poulenc. À l’issue de ces interventions tous les acteurs de l’événement se sont retrouvés dans les salons d’honneur de l’Hôtel Groslot pour la remise officielle des prix lors de laquelle Daniil Lobkov a chaleureusement pris la parole pour adresser des remerciements au nom des deux lauréats. Le cocktail convivial qui suivit, permit de découvrir l’exposition de douze dessins de Pol regroupés sous le titre « La main créatrice en poésie. » : « La main en poésie, geste dansant, n’a de cesse de cueillir dans l’air des sentiments qui passent. Elle ne saurait toutefois exister s’il n’y avait une autre main de poésie qui se tende vers elle et la rejoigne. Car tout geste ne saurait advenir que par la confiance, la force et la douceur du partage ».
À l’heure de la remise des prix. Photo JDB.
Une précieuse édition
À l’occasion du 45ᵉ anniversaire de sa création, l’association des Amis de René Thinat a publié un opuscule de vingt-six pages dont la conception graphique est due à Marceau Trouvé (Agence Prométhée Orléans). Avec un éditorial de
Serge Grouard, riche de témoignages et d’éléments iconographiques, il permet à tout un chacun de découvrir un grand chapitre de l’histoire d’Orléans.
Une exposition éphémère “La main créatrice en poésie”. Photo : JDB