[Billet] par Patrick Communal
La victoire de Constance de Pélichy face à la députée RN sortante dans le Giennois et la Sologne n’a pas été une surprise pour tout le monde puisque Magcentre avait publié un billet, quelques jours avant le second tour, appelant à voter pour la première magistrate de La Ferté-Saint-Aubin ; lequel billet, bénéficiant des caprices ou du hasard des algorithmes qui l’ont placé à la une de Google, a vu sa diffusion exceptionnellement boostée.
Le bonheur de Constance de Pélichy, élue députée de la 3e circo du Loiret. Photo SD
L’intuition peut parfois l’emporter sur la modélisation des instituts de sondage et le conformisme intellectuel des analystes politiques. Il me semble que la troisième circonscription du Loiret qui a vu l’élue de Sologne prendre d’assaut les cités de la rive sud de la Loire et triompher de la forteresse giennoise, est aussi un archétype de la situation politique nationale dominée par une peur collective majeure de l’arrivée aux affaires de la famille Le Pen, peur fortement mobilisatrice à gauche, et par le glissement progressif du jeu politique de l’Elysée au Palais Bourbon. Ce second trait nous rapproche des autres pays européens habitués aux coalitions parlementaires larges, avec des gouvernements appliquant un contrat de législature adossé à un compromis qui reflète le rapport de forces issu des urnes. La classe politique française, encore dominée par le culte du chef propre au régime présidentialiste et un discours souvent caricatural, intimidant et viriliste, ne parait pas avoir pris la mesure de ce changement, parce qu’on persiste à penser que le compromis est une compromission, un renoncement. Je ne suis pas certain que les pays européens adossés à un régime parlementaire aient nécessairement un statut social des travailleurs, des services publics, un dispositif de santé, une école, une justice, des comptes publics nécessairement plus dégradés que les nôtres. Il va falloir accompagner ces changements d’une autre manière de parler, d’écouter, d’échanger, ça prendra du temps.
J’ai travaillé longtemps dans le domaine du logement social et la politique de la ville, puis j’ai été avocat des salariés et d’organisations syndicales contre leurs employeurs, depuis, je suis engagé de manière très pragmatique dans l’assistance aux demandeurs d’asile, mes convictions sont à gauche, je n’ai sans doute pas grand-chose en commun avec Constance de Pélichy, j’ai été pourtant heureux de sa victoire, non seulement parce qu’elle a repris une circonscription à l’extrême droite en s’engageant assez courageusement dans un combat difficile, et parce qu’il me semble que le personnage politique qu’elle incarne trouvera plus aisément sa place dans la série danoise Borgen que dans le Baron noir.