Le premier tour laissait à penser que les trois circonscriptions du Cher pouvaient basculer à l’extrême droite. Le sursaut du front républicain a permis d’inverser totalement la tendance. En tête voilà une semaine, le RN termine deuxième dans tous les cas de figure ce dimanche. Les trois députés sortants retrouveront donc bientôt leurs sièges à l’Assemblée nationale.
Par Fabrice Simoes
François Cormier-Bouligeon (ENS), Nicolas Sansu (NFP) et Loïc Kervran (ENS) vont, tous les trois, retrouver leurs bureaux parisiens quittés voilà un mois. Pourtant, pour nombre d’observateurs, l’affaire paraissait pour le moins délicate. Contre toute attente, et après deux semaines de campagne sur le terrain, les trois sortants ont été réélus. Un dénouement qui est bien loin des attentes d’un RN dont les idées font écho dans les territoires. Cependant, sur l’ensemble des communes du département, le RN a divisé quasiment par deux le nombre de communes où il était en tête : 147 au 2e tour contre 261 au 1er, sur un total de 286. Encore en hausse après un premier tour déjà conséquent (66,07%), le taux de participation dans le Cher s’élève à 66.95 % pour le deuxième tour.
C’est au foyer Saint-François, à Bourges, que François Cormier-Bouligeon a fêté sa victoire dans la première circonscription avec ses soutiens dont le maire de Bourges, Yann Galut. L’élu berruyer s’était impliqué dans la campagne à l’occasion du 2e tour dans le cadre d’un large barrage républicain dans le département. Il ne masquait pas une certaine satisfaction, lui aussi, à l’heure d’entrechoquer les verres. Voilà une semaine, c’est le parachuté Ugo Iannuzzi (RN) qui avait fait la course en tête dans cette circo entre Sologne du Cher, Sancerrois et capitale du Berry. Un dimanche plus tard, il n’est pas parvenu à contenir l’arc républicain suite au désistement d’Hugo Lefelle (PS-NFP). C’est bel et bien une très grande partie des 11 432 voix de gauche qui sont venues s’ajouter aux 15 000 du candidat Cormier-Bouligeon qui ont fait la différence. Le RN est parvenu à engranger seulement moins de 1 500 voix supplémentaires entre les deux tours. Comme le confirmait un observateur attentif aux divers résultats : « Pour le RN, sous les 45 % au 1er tour, ça ne passe pas… »
Villages versus villes dans la 2e
Dans la mairie de Vierzon, tandis que la maire PCF, Corinne Ollivier, est restée très attentive au moindre détail, le représentant de la jeune garde RN, très propre sur lui, très bien coiffé, très bien encravaté, très tout bien, a veillé ou surveillé le parfait déroulé des opérations de dépouillement. Rien à redire, les ouvertures d’enveloppes, les comptages, les croix et les bâtons étaient dans les bonnes cases. Dans un bureau annexe de la salle des actes, on a compilé les résultats des bureaux de la ville. Plusieurs maires de communes environnantes, après avoir rempli leurs fonctions, sont venus gonfler les rangs des spectateurs attentifs, d’anciens candidats FN aussi… Dans la deuxième circonscription du Cher, c’était serré, très serré entre le député communiste sortant Nicolas Sansu (NFP) et le tout jeune candidat RN, Bastian Duenas. Quand les résultats des villages sont tombés, la tendance du premier tour s’est confirmée : l’extrême droite a fait un carton là où l’insécurité n’existe pas, là où les immigrés sont invisibles. Sur place, un maire a expliqué avoir failli laisser tomber sa fonction voilà une semaine, un autre que, sans l’aide du député sortant, la nouvelle épicerie n’aurait jamais été ouverte. Pourtant, à leur grand désespoir, les chiffres de leurs communes étaient là… Globalement, c’est dans les villes que Nicolas Sansu aura puisé les voix qui lui manquaient (4 625 voix d’écart) pour faire basculer cette élection. Sur Saint-Doulchard, sur Bourges, sur Vierzon, l’élu vierzonnais a refait son écart. Au décompte final, il dépasse son adversaire de seulement 519 voix, à peine moins que les 599 voix gagnées à Bourges. Et là, aucun doute, c’est plus l’alchimie du binôme Sansu-Félix qui a joué…
Parachute en torche dans la 3e
Très en difficulté au soir du 30 juin, le sortant Loïc Kervran n’a pas ménagé sa peine durant la dernière semaine. Le RN avait fait un choix stratégique dans une circonscription qui pouvait basculer, peut-être, plus facilement qu’ailleurs dans le département. Mauvais calcul, la circo la plus prenable n’était pas celle du saint-amandois. Le médiatique Pierre Gentillet avait quasiment atterri dans le saint-amandois quand son parachute s’est mis en torche au dernier moment. L’image de sa suppléante Julie Apricena, présidente du parti RN dans le Cher arborant un tee-shirt de suprémaciste blanc a pu rebuter quelques électeurs, mais c’est surtout le report des voix qui a permis une remontada impressionnante de Loïc Kervran. Les presque 12 000 voix de plus, alors que son adversaire parisien a pu en récupérer moins de 4 000 entre les deux tours, démontrent qu’arpenter le terrain reste efficace. Surtout si, comme pour le candidat signé Horizons on s’appuie sur la plus grande partie des maires de sa circonscription. Sur 150 communes, plus de 100 édiles se sont prononcés en sa faveur. L’ancrage territorial a donc encore des effets bénéfiques. Si on ajoute à cela que le front républicain a eu le résultat escompté, l’effet était imparable. Là encore, les bureaux de vote des villes ont créé une synergie positive. D’autre part, il n’est pas certain que les anciennes prises de positions pro-Poutine de Pierre Gentillet lui aient été bénéfiques dans une partie du département qui inclut des établissements de fabrication de matériel militaire.
Les résultats complets
Première circonscription
Inscrits : 70.391
Votants : 47.607 (67,63 %)
Abstentions : 22.784 (32,37 %)
François Cormier-Bouligeon : 25.595 (56,82 %)
Ugo Iannuzzi : 19.452 (43,18 %)
Deuxième circonscription
Inscrits : 68.481
Votants : 44.699 (65.27 %)
Absentions : 23.782 (34.73 %)
Nicolas Sansu : 20.738 (50.63 %)
Bastian Duenas : 20.219 (49.37 %)
Troisième circonscription
Inscrits : 83.666
Votants : 56.682 (67.75 %)
Absentions : 26.984 (32.25 %)
Loïc Kervran : 28.581 (52.75%)
Pierre Gentillet : 25.596 (47.25 %)