Deuxième tour des législatives en Indre-et-Loire : espoirs, dangers et inconséquences #1

72h après les résultats des législatives en Indre-et-Loire et les désistements pour faire barrage au Rassemblement National, la situation se décante en vue du second tour. Petit tour d’horizon des enjeux, en dehors de la circonscription de Tours dont les résultats ont été couverts ici ce lundi.(Pour la 1ère circonscription, lire: La gauche unie bien ancrée à Tours )

Par Joséphine

37-02 Amboise Chateau-Renault

Dans la circonscription d’Amboise et de Château-Renault, c’est l’extrême-droite qui arrive en tête, de peu, en la personne de Mme Corine Fougeron, figure tourangelle du RN, par ailleurs retraitée d’Air France et reconvertie dans les chambres d’hôte tout en présidant le Lions Club International d’Amboise, association de la petite bourgeoisie locale qui réseaute en organisant des actions caritatives et humanitaires. Corine Fougeron a commencé la vie politique il y a plus de 20 ans, dans la roue de Christian Guyon, cadre du PS puis du centre-gauche local, maire d’Amboise et conseiller général. Elle est qualifiée de « très ambitieuse » par un bon connaisseur de la vie politique de l’est tourangeau, qui poursuit : « Mme Fougeron n’est pas très bosseuse et elle n’a pas de véritable culture politique, ce qui explique probablement les sinuosités de son parcours ». Active sur les marchés pour faire campagne et sur les réseaux sociaux, elle a tout du bon petit soldat lepéniste, partageant à foison les éléments de langage et la communication du siège parisien. Mais de temps à autre, un post xénophobe, complotiste, patriote tendance saucisson-pinard ou poujadiste façon anti-taxes et anti-état permet de mieux situer l’univers politique de la candidate. Du reste, catholique fervente, elle avait déclaré en conseil municipal il y a quelques années que « la Vierge lui était apparue pour l’assurer qu’elle serait élue ». Parfois plus terre à terre, elle « réclamait une indemnité de conseillère municipale d’opposition et un défraiement kilométrique pour ses déplacements lorsqu’elle venait en conseil ou commission», sans succès. Mais que l’on se rassure, « assez absentéiste » selon un ancien collègue élu, cela n’aurait pas coûté très cher à la collectivité.

Arrivé deuxième dimanche dernier et donc qualifié pour le second tour, on retrouve Daniel Labaronne, lui aussi issu du centre-gauche mais devenu macroniste dès 2016. Héraut d’un néolibéralisme assumé – il est économiste de formation –, il est même membre d’une « task force » pour relayer les orientations de Bruno Le Maire à l’Assemblée. Mais Daniel Labaronne sait également entretenir des réseaux davantage « terroir » : à l’aise avec les châtelains du coin avec lesquels il aime à se prendre en photo, il est aussi ami de la pêche et de la chasse qu’il pratique volontiers, et préside carrément le groupe d’étude chasse et pêche à l’Assemblée nationale. Il brille particulièrement en 2021, qualifiant ses camarades « d’extrémistes » lorsqu’ils ont voulu interdire la présence de cétacés dans les parcs aquatiques au nom du bien-être animal.

Hélas, le voilà désormais dépendant du report de voix du Nouveau Front Populaire pour espérer garder son siège. Détail « cocasse », c’est une Insoumise, ex-gilet-jaune et salariée aux revenus modestes, Christelle Gobert, qui s’est désistée pour faire barrage au RN et donc soutenir Labaronne… et ce malgré le tombereau d’outrances que les macronistes ont pu déverser sur LFI depuis des mois, ces mêmes macronistes qui ne sont toujours pas très clairs en ce qui concerne la réciproque et l’appel à voter NFP inconditionnellement lorsqu’il s’agit de faire barrage au RN.

37-03 Saint Pierre des Corps-Loches

Sur la circonscription de Saint-Pierre-des-Corps et Loches, la droite partait très divisée, avec la spécificité de compter avec le seul candidat d’Indre-et-Loire issu de la scission ciottiste de LR et ayant reçu le soutien du RN.

C’est donc M. Jules Robin qui a eu l’honneur de porter cette candidature d’union des extrêmes-droites. Issu d’une famille d’expatriés, ayant fait ses études à Paris, travaillant comme collaborateur parlementaire loin de la Touraine depuis bientôt 10 ans et conseiller municipal en… Eure-et-Loir, Jules Robin a de toute évidence été parachuté et a déposé sa candidature en Préfecture en catimini pour ne pas trop subir les foudres de LR37 restés fidèles à l’esprit du parti. Inconnu, pas implanté, avec une campagne réduite à sa plus simple expression et avec un charisme tout relatif, M. Robin est tout de même arrivé deuxième, très près de la première place, porté par la vague lepéniste.

Face à lui, M. Henri Alfandari, celui qui se présentait dans la presse il n’y a pas si longtemps comme “non encarté politiquement” et qui affirmait “avoir déjà voté à gauche par le passé”. “Si je trouve que quelqu’un est bien et que j’ai envie de travailler avec, je ne regarde pas la couleur politique“, déclarait-il, tout empli de “ni de droite ni de gauche” macroniste. Mais Henri l’idéaliste a bien grandi depuis.

Maire en 2020, conseiller départemental en 2021, député en 2022 – lâchant alors son mandat de maire tout frais –, il a su rester modeste, escamotant régulièrement ses véritables origines familiales, lui qui est un des héritiers du Groupe Saint-Gatien, mastodonte français des cliniques privées générant plus de 200 millions d’euros de chiffre d’affaires chaque année. Il finit tout de même par s’encarter et devient un ténor tourangeau d’Horizons.

Réputé peu présent sur sa circonscription pendant deux ans, M. Alfandari met les bouchées doubles depuis la dissolution, serrant des mains au kilomètre, s’appuyant sur le réseau des élus locaux, appelant à la rescousse Édouard Philippe venu faire coucou dans la circonscription vendredi dernier. Henri Alfandari n’a pas non plus hésité à faire de la retape dans cette circo avec des communes qui votent très à droite : des militants ont d’ailleurs rapporté que lors d’une réunion dans la ville de Descartes, le candidat a déclaré devant son auditoire qu’en cas d’affrontement NFP-LFI/RN au second tour, il voterait RN, précisant que c’était un choix personnel, ni une consigne, ni une position de son parti. Interrogé le lendemain sur ces déclarations, Henri Alfandari bottait en touche, n’envisageant « pas cette option dans la troisième circonscription ». Un sorte de vote de Shrödinger : à la fois un vote RN et à la fois pas un vote RN… Notons que M. Alfandari a confié également à Descartes avoir la solution pour régler les problèmes de l’hôpital public: revenir à la semaine de 40 heures. Comme ça les choses sont claires.

Depuis lundi, le discours a un peu changé car maintenant, M. Alfandari a besoin lui aussi des voix du NFP, porté sur la circonscription par Sandra Barbier, une institutrice…LFI. Cette dernière s’est désisté pour faire barrage au RN et Henri Alfandari admet finalement avoir exprimé certaines peurs au sujet des Insoumis tout en reconnaissant avoir eu tort, vu la posture républicaine sans ambiguïtés de Mme Barbier. Espérons que son patron Édouard Philippe, toujours sur un ni-RN ni-LFI, saura lui aussi lever les ambiguïtés.

A suivre

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  1. Si je comprends la position qui consiste pour un candidat de se retirer, je n’admets pas qu’il puisse se désister.
    D’une part les voix des électeurs ne lui appartiennent pas.
    D’autre part , dans la situation d’aujourd’hui, c’est faire le jeu du FN en faisant apparaître un entresoi politicien qui confirme son discours.

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