Équipée loupée avec les bikers des années 60

Jeff Nichols tente de rajouter une feuille à cette branche prestigieuse des films de motards. Mais ses Vandals portent bien leur nom. Benny le beau voyou et Johnny le chef mutique ne sont que des clichés. Le fille, Kathy, n’a rien en commun avec eux et pourtant fait partie de la bande. Même la musique est décevante, trop rapide, anecdotique, et les scènes de moto déjà vues. Dommage.

Benny (Austin Butler) et Johnny (Tom Hardy). Photo Focus Features LLC.



Par Bernard Cassat



Pour son cinquième long métrage, The Bikeriders, Jeff Nichols part d’un livre de Danny Lyon publié en 1967. Et lui emprunte son titre. Livre de photos en noir et blanc de motards d’un clan bien précis, les Vandals. Véritables challengers des Hells Angels, ils sévissaient aux alentours de Chicago. Le cinéaste introduit le photographe-reporter dans son scénario.

Dans une violence permanente

L’une des scènes du début donne le ton. Deux Américains de base à robuste carrure demandent à Benny, le beau gosse qui boit seul sa bière, d’enlever son blouson de Vandals puisqu’il n’est pas chez lui dans ce bar. Avec des regards appuyés à droite vers le premier redneck, puis à gauche vers le deuxième, il leur sort « Il faudra me tuer avant ». Et c’est ce qu’ils essayent de faire. Benny se fait dégommer, mais l’honneur du gang est sauf.

Mieux vaut rester dans la bande. Tous ces motards passent leurs journées dans un bar sombre, à boire des bières, parler machines et jouer au billard. Le chef du clan Johnny (Tom Hardy) ne sort pas trois mots de suite. Les autres pas beaucoup plus.

Johnny (Tom Hardy), le chef de gang. Photo Focus Features LLC.


Motard et musique, on a tous en tête les grands films marquants du genre, L’équipée sauvage de Lazlo Benedek avec Marlon Brando, et bien sûr Easy Rider de et avec Dennis Hopper. Dans ces deux films, les personnages ne sont pas seulement motards, ils ont une dimension de rebelles qui en fait toute leur force. Le premier annonce la contre-culture, le deuxième d’une certaine manière la clôt. Jeff Nichols n’en dit pas un mot. Il ne retient que la puissance du clan, du groupe. Johnny, chef de groupe, devient quasi maffieux. La plus longue phrase qu’il sort, « Aux poings ou au couteau ? », lorsqu’il y a un problème, le cantonne à son physique. Sa gueule incroyable de démon lunaire, ridée et inexpressive, est certes un grand numéro d’acteur. Aucun des rôles du film n’a la moindre trace de réflexion sur le monde. Marlon Brando était prêt à rentrer dans tout ce qui était établi. Les bikers de Nichols ne voient que leur gang. Ils n’ont aucune révolte en eux. L’un d’eux souhaitait même s’engager pour aller au Vietnam, mais a été refusé. Un autre rêve de devenir motard-policier, et le deviendra ! Ce sont tous des paumés sans aucun rêve, sans consistance, obligés de se serrer dans le cuir d’un blouson de gang pour tenir debout.

Kathy (Jodie Comer) et Benny (Austin Butler). Photo Focus Features LLC.


L’idée de Nichols de structurer son récit par les interviews que le photographe fait de Kathy (Jodie Comer) n’est pas forcément une bonne idée. Elle a pourtant le mérite d’introduire une femme dans cette bande hyper-macho, ce qui reste assez peu crédible. Qu’elle tombe amoureuse de Benny, le voyou à gueule d’ange (Austin Butler), pourquoi pas. Mais qu’elle traine autant dans cette bande de bêtes sauvages, c’est plus difficile à croire. C’est néanmoins la seule dynamique du film, la seule histoire qui le fait avancer. L’arrivée des jeunes qui veulent s’insérer, censée montrer aussi le changement d’époque dans l’Amérique des années 70, se règle vite, par un coup de pistolet. Et le film indique pour terminer ce qu’est devenu chacun des personnages, comme dans un documentaire qui se respecte.

Un Vandal pas très reluisant (Dammond Herriman). Photo Focus Features LLC.


Ce récit ne nous fait pas rentrer dans la société de cette époque. Il montre des fous de moto qui n’ont pas grand-chose dans le crâne, qu’ils ont par ailleurs assez dur ! Bagarres, bières, pique-niques dans la boue ne font pas une œuvre très profonde. Là où Peter Fonda et Dennis Hopper réalisaient un voyage initiatique dans l’Amérique de 69, les bikers de Nichols roulent en groupe et en rond sur l’autoroute autour de leur village, ne sortent de leur bistrot sombre que pour des pique-niques de saoulerie et ne découvrent rien d’autre que ce qu’ils connaissent déjà, la violence. Ils n’ont au fond aucun intérêt dans la vie, n’en suscitent aucun chez le spectateur. Sauf, peut-être, chez les fous de moto. Quoique là aussi, la matière est rare. Dommage, les acteurs sont magnifiques et le sujet aurait pu…

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