L’avocat parisien Pierre Gentillet est l’invité surprise de la 3e circonscription du Cher. Il a beau jeu de dire que « le Berry est ma petite patrie » dont « les paysages et figures ont très jeune marqué mon imaginaire ». Il n’en reste pas moins que la Brenne n’est pas le Boischaut Sud. Pourtant, c’est bien dans le saint-amandois qu’il va porter le flambeau d’un RN dédiabolisé alors que son discours reste souvent clivant.
C’est du perron de l’église que le chroniqueur de CNews avait harangué les foules au mois de mars 2023 à Bélâbre.
Par Fabrice Simoes
Beaucoup d’observateurs se demandent encore si l’arrivée de l’avocat parisien Pierre Gentillet, inconnu pour l’électeur lambda du Boischaut, dans la 3e circonscription du Cher, est un parachutage ou pas. D’aucuns le disent né dans l’Indre, du côté de Bélâbre. D’autres parlent d’une naissance à Lyon… Pour Bélâbre, c’est peut-être sa présence lors des manifestations contre le potentiel CADA dans la petite bourgade indrienne qui ferait office de certificat de naissance. Toujours est-il que, Berrichon ou pas Berrichon, l’ex-chroniqueur sur CNews, et avocat au barreau de Paris donc, portera le drapeau du Rassemblement National à l’occasion des prochaines élections législatives. Dans une circonscription où Maurice Papon, condamné à 10 ans de réclusion criminelle pour complicité de crimes contre l’humanité concernant des actes d’arrestation et de séquestration, lors de l’organisation de la déportation des Juifs, a été élu régulièrement entre 1968 et 1983 – député en 1968, puis régulièrement jusqu’en 1981, ainsi que maire de Saint-Amand-Montrond de 1971 à 1983 – l’élection d’un candidat RN ne paraît pas du tout incongrue.
Cependant, dans un contexte de dédiabolisation du parti, son intronisation dans le parti de Marine Le Pen peut surprendre les communicants qui ont œuvré dans ce sens depuis de longs mois. Son parcours est plutôt celui d’une Droite républicaine, il est passé par l’UMP et la Droite populaire, son discours correspond beaucoup mieux à une idéologie d’extrême droite. Même s’il n’est devenu candidat RN qu’à la suite d’une demande de Jordan Bardella himself – Pierre avait recruté Jordan à l’UNI – la fondation, pas tout seul, du syndicat “La Cocarde étudiante” en 2015 « pour réunir des jeunes issus de Debout la France, du Rassemblement National ou de la droite Populaire », et sa proximité avec Thierry Mariani, eurodéputé du RN, sont des signes qui ne trompent pas. Et logique … « Mon premier objectif en politique a toujours été de réaliser l’union des patriotes ».
Grand remplacement et messages sous X
Selon Patrick Edery pour Deliberatio, dans un article intitulé « Le nid d’agents russes en France est-il dangereux ? Les réseaux de la droite et la désinformation russe », Pierre Gentillet ferait partie des « piliers » du cercle Pouchkine qui, selon une enquête journalistique, accueillait des réunions avec ces messieurs, des membres de l’extrême droite antisémites et le chef de poste du GRU (renseignement militaire russe) à Paris. Un parti pris pro Poutine confirmé par le journaliste-écrivain Nicolas Henin dans son livre « La France russe : enquête sur les réseaux de Poutine ».
Le gars du Berry, puisqu’il s’en réclame, est aussi un grand utilisateur des réseaux sociaux et des médias en général. Sous couvert de « dossiers essentiels pour les Français : l’immigration, le pouvoir d’achat et la sécurité » pointe une radicalité bien droitière, bien conformiste, bien dans l’ordre, bien-pensante et surtout essentiellement directive. Ses sorties sur X, anciennement Twitter, sont calculées mais toujours précises. Comme lors d’une intervention sur la liberté d’expression où blasphème et appel à la haine homophobe sont placés sur un niveau identique. « Voir des Femens qui pissent sur le Christ = lib d’expression par contre dans un journal : “les PD faut les brûler”, là non ». Se plaindre de la charia et souhaiter le retour de la notion de blasphème dans la loi en une seule ligne. La politique c’est parfois compliqué !
Dans la lignée de Renaud Camus, il explique sa candidature à Valeurs actuelles par « nous savons qui est en situation de prendre le pouvoir : les forces du déclassement et du remplacement ». Sur la télé de Bolloré, le chroniqueur affirme par ailleurs que « nous devons réformer le Conseil constitutionnel ». Ce n’est pas pour créer une 6e république comme le souhaiteraient certains à gauche mais bel et bien sinon, par exemple « aucune réforme d’ampleur sur les flux migratoires ne sera possible » ou « au non de la situation d’urgence on peut mettre le droit en dessous (de la politique). À l’occasion de cette crise, on peut mettre la politique au-dessus du juridique… ». Et comme le Conseil constitutionnel est le verrou à faire sauter avant toute chose pour mettre au pas la démocratie à la Française, « si nous voulons nous affranchir de certains traités … à la condition de mettre au pas le Conseil constitutionnel, nous pourrons tout faire ! »
On peut conseiller aux électeurs le visionnage de « Nouvel Ordre », un film mexicain Grand Prix du Jury à Venise en 2020. Même si, c’est vrai que chez nous ça ne peut pas arriver, c’est assez instructif…
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