Fracturées sur des questions d’ego et avec un programme qui se limite pour l’instant à compiler les râleries contre la majorité municipale de gauche d’Emmanuel Denis, les droites tourangelles ont trouvé un nouveau combat : la résistance aux travaux liés au développement des pistes cyclables et à la suppression de places de parking, projets affichés comme de véritables fléaux pour le commerce, limitant soi-disant la venue des consommateurs en centre-ville.
Rue Marceau en cause dans la pétition
Par Joséphine
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Peu importe que l’on parle au fond de la disparition de seulement 5% des places de stationnement de la ville en 4 ans ou de l’aménagement cette année d’une quinzaine de kilomètres de voies dédiées aux vélos sur les 620 km de rues que compte Tours. Peu importe que ces aménagements aient été décidés et financés par une Métropole dirigée par la droite. Peu importe que le commerce se porte plutôt bien à Tours, avec un taux de vacance commerciale inférieur à la moyenne des villes de taille équivalente, et ce dans un contexte global d’augmentation des dépenses énergétiques, des loyers et de la concurrence d’Internet. Non, le principal pour les droites de Tours est de trouver un cheval de bataille pour enfourcher un mécontentement, sabre de l’intox et de la démagogie au clair.
Un plan comm’ rondement mené
Sauf qu’un cheval de bataille, ça s’élève et ça se bichonne, ça ne se monte pas n’importe comment. Voyez plutôt ce cas d’école :
Phase 1 : un mouvement spontané de modestes commerçants se saisit de la question et lance une pétition pour montrer l’ampleur du désarroi.
Phase 2 : les élus d’opposition, soucieux de pragmatisme et de juste gouvernance alertent sur la catastrophe commerciale qui s’annonce.
Phase 3 : la presse locale couvre le succès de la pétition.
Phase 4 : les élus d’opposition peuvent désormais communiquer sur leur ancrage dans la réalité et leur capacité à faire remonter les données du terrain, en dehors de tout esprit partisan et politicien.
Simple et efficace. Sauf qu’à y regarder de plus près, cette émouvante séquence est bien moins limpide qu’il n’y paraît. Reprenons.
Une réalité plus politicienne
La pétition en question, évoquée par la Nouvelle République du 16 mai au soir, a été lancée il y a un mois par un collectif de commerçants dont le porte-parole auto-proclamé est M. Antoine Duchateau, patron d’un bar qui jouxte d’ailleurs un grand parking, preuve qu’il reste encore quelques places aux malheureux automobilistes martyrs. Mais M. Duchateau n’est pas qu’un simple commerçant, il a été aussi dans une autre vie candidat aux municipales de 2020 sur la liste de Xavier Dateu, figure issue de la majorité du maire Serge Babary – ancien patron de la Chambre de Commerce et d’Industrie – et proche de Mme Céline Ballesteros, adjointe LR au commerce de 2014 à 2019, fille, mère et compagne de commerçants de Tours et elle-même commerçante.
Malheureusement la NR, qui vit en partie des recettes publicitaires des… commerçants locaux, ne fournit pas toutes ces informations pour contextualiser la prise de parole de M. Duchateau et rapporte sans recul les propos qui annoncent 1 500 signatures pour la pétition, alors qu’à ce jour elle en comptait moins de 300 sur Internet. Cela étant dit, il est peut-être possible que les 1 200 autres signatures aient été obtenues directement sur papier, en un émouvant enthousiasme populaire.
Intéressant également de constater que les éléments de langage de M. Duchateau semblent tout droit sortis des communiqués de l’opposition, notamment en ce qui concerne la supposée absence de concertation et d’information préalables auprès des commerçants, ce qui est manifestement faux. Même la punchline sur les déplacements « en tapis volant » apparaît çà et là sur Facebook via certains profils qui brillent par leurs publications explicitement anti « escrologistes-bobos-dictatoriaux ». Les hasards de l’internet, probablement.
Récupération, récupération chérie
Quelques heures plus tard, les figures de la droite se saisissent de l’article de la NR, par exemple Thibault Coulon – ancien camarade et collègue de Xavier Dateu – qui rebondit avec naturel et réactivité sur Facebook, suivant le schéma décrit un peu plus haut : « Lors du conseil municipal du 8 avril 2024, j’avais alerté (…) sur les tensions que provoqueraient à Tours la suppression des places de stationnement (…), avec l’addition du plan vélo, du “plan d’apaisement”, et des travaux à venir de la 2eme ligne de tram. J’avais qualifié le plan d’apaisement de PLAN D’ASPHYXIE de notre ville, dissuadant visiteurs, touristes, acheteurs, de venir faire leurs courses, sortir, se distraire dans notre ville, et en particulier dans son centre. Les commerçants de Tours (à lire dans la Nouvelle République) adressent une pétition de 1500 signatures au Maire. Il est urgent de les écouter et de prendre en compte les grandes difficultés que rencontrent leurs commerces, puis de définir une MÉTHODE APAISÉE et concertée de conduite des projets »…
Pour clore cette séquence, l’extrême-droite saute sur l’occasion et on voit Mme Ambre Louisin, élue tourangelle au Conseil régional passée du RN à Reconquête, reprendre la publication de Thibault Coulon, M. Coulon la likant en retour. Anecdotique, sauf à y voir peut-être encore un signe d’un processus de fond, certains anciens camarades de M. Coulon – Mme François Amiot et M. Lionel Béjeau – étant déjà partis à l’extrême-droite et M. Bruno Julien, délégué départemental de Reconquête, écrivant en janvier dernier : « qui a dit que l’union des Droites est un fantasme ? » sur le site officiel du parti.
Ainsi va la droite sans boussole, en attendant la prochaine polémique montée en épingle pour essayer d’exister, quitte à jouer de l’intox et des affects de peur. Peut-être un énième scandale estival sur le Burkini ? Le dernier a déjà deux ans. Qu’est-ce que le temps passe vite.
Article de la NR : https://www.lanouvellerepublique.fr/tours/tours-une-petition-demande-l-arret-des-travaux-des-pistes-cyclables
Plus d’infos autrement sur Magcentre : Les inquiétantes gesticulations de l’ultradroite dans l’Indre