La rénovation du quartier Bourgogne à Orléans est un véritable exercice d’équilibriste pour le maire de la ville qui doit apporter des solutions à ce quartier historique en crise… sans pour autant en faire un nid à bourgeois bohèmes qui pourraient voter contre lui en 2026. Admirez l’artiste.

Par Joséphine
On voit souvent Serge Grouard comme le politicien habile qui a réussi son retour à la mairie d’Orléans en 2020, décapsulant implacablement son ancien « ami de 20 ans » Olivier Carré, empêtré dans des affaires signalées à la presse et à la justice par un mystérieux corbeau ; on l’identifie aussi comme le lieutenant déchu du fillonisme, en rupture désormais avec LR, lui qui s’est rêvé un destin national en 2016-2017 avant de claquer la porte et de partir bouder un peu ; mais Serge Grouard est aussi un communicant de talent, quelque peu auto-radicalisé sur Cnews, capable en un habile coup de volant de passer du refus de devenir la colline du crack de Paris, en un populisme qui fleure bon le petit blanc sec et les cacahouètes, au refus de recevoir Marion Maréchal Le Pen aux fêtes johanniques au nom d’un républicanisme de bon aloi.

Mais Serge Grouard, c’est d’abord un sacré funambule, car ses perspectives, en fait, ne sont pas simples. Alors que nombre de métropoles françaises basculent durablement à gauche, sur fond de fracture sociologique entre la France des grandes villes et celle du périurbain et du rural, il n’est pas facile pour la droite dite classique de garder ses positions, clairement débordée par le RN. Et c’est justement dans ce contexte que Serge Grouard doit la jouer fine pour les prochaines municipales, ménageant les aspirations des habitants du centre qui veulent une ville plus douce et solidaire, sans pour autant renier son électorat naturel, conservateur, âgé, commerçant et globalement pro-voiture.
Un urbanisme du compromis

La démocratie des post-it. cl gp
Il s’agit donc d’une part de singer les méthodes politiques des gauches municipales au pouvoir à coups de réunions publiques, de démocratie participative habillée de post-it colorés, de piétonnisations consensuelles, de noms qui font rêver – le fameux « Bourgogne-Village » – et d’équipements cosmétiques tels que ces « jardins partagés » assez lunaires, ces quelques hamacs dans des jardins publics ou ces panneaux « sans pesticides » dans les massifs de bégonias municipaux ; d’autre part, de ne surtout pas laisser s’enkyster dans la ville des pôles de culture alternative, traditionnellement favorables aux bobo-de-gauche. Ainsi, le projet de résidence d’artistes aux friches des vinaigreries a été vite débranché par Serge Grouard à son retour à la mairie, tout comme l’accompagnement des initiatives associatives du quartier, telles que La Ruche en Scène ou l’école Musique et Équilibre. Un village, oui, mais où tout le monde est rentré chez lui à 21h.

Les vinaigreries Dessaux.
Et pour l’instant, avec une gauche atone en face, Serge Grouard mène habilement sa petite barque, trouvant comme point d’équilibre un élément très fédérateur : une politique de réaménagement urbain qui permet de tranquillement faire augmenter la valeur des biens immobiliers, satisfaisant les propriétaires et investisseurs, tout en rassurant par les choix et discours l’électeur inquiet de voir arriver migrants et saltimbanques dans la cité de Jeanne d’Arc.
Rien de nouveau sous le soleil, ceci dit, pour ce titulaire d’un brevet de L’École supérieure des officiers de réserve spécialistes d’état-major et ancien président de la commission développement durable à l’Assemblée nationale sous Sarkozy, lui qui confiait déjà en 2011 aimer « ces ruelles très étroites qui abritent de petits jardins secrets donnent l’impression d’être dans un village, à la campagne, en plein cœur d’une agglomération de 300 000 habitants ». Fermeté, greenwashing et communication de carte postale villageoise. Un véritable équilibriste on vous dit !

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