Claude Alphandéry, de la Résistance à l’économie sociale et solidaire

Claude Alphandéry s’est éteint en mars dernier à l’âge de 102 ans. Entré en résistance à 20 ans, il s’engage à la Libération dans la défense d’une économie différente qui ne s’appelait pas encore sociale et solidaire. Il initiera la création de France Active, organisme pionnier de la finance solidaire devenu un acteur majeur de l’ESS.

Fin 2023, dans un entretien vidéo ci-dessous, Sébastien Nérault, directeur de France Active Centre-Val de Loire, évoquait la naissance et le développement de l’une de ses initiatives phares : l’accélérateur de l’engagement. Et Claude Alphandéry rappelait les difficultés et les réussites de la coopération, confrontées à deux logiques opposées, celle de la « domination » et celle du « partage ».

Claude Alphandéry cl FA

Propos recueillis par Gérard Poitou

Qui était pour vous Claude Alphandéry ?

Sébastien Nérault : Claude Alphandéry est le créateur de France Active en 1988, il a créé cet outil pour financer l’économie sociale et solidaire en réunissant des banquiers et en leur disant : « On va vous proposer un système de garantie : en aidant les gens loin de l’emploi à créer leur entreprise, soit vous gagnez un nouveau client, soit, si l’entreprise fait défaut, nous paierons avec notre garantie donc c’est tout gagnant pour vous ». Depuis la création de France Active, Claude Alphandéry a toujours répondu présent pour tous les événements organisés par France Active. Jusqu’en 2022, lors de la Biennale de l’Engagement, il était encore présent, Claude a toujours porté et défendu le projet d’une économie plus inclusive et plus durable.

Dans votre entretien vidéo, Claude Alphandéry fait référence à la coopération, qu’entendait-il par là ?

Claude Alphandéry a animé deux grands réseaux nationaux, d’abord France Active qu’il a créée, et le Labo de l’ESS qui est un “think tank” de réflexion sur l’économie sociale et solidaire. À l’occasion de ses 100 ans, il avait lancé un appel pour créer ce qu’il appelait alors des clubs de la coopération. Ces clubs de la coopération visent à faire changer d’échelle l’économie sociale et solidaire. Il était convaincu qu’il y avait des initiatives un peu éparses et pour développer le ferment d’une nouvelle économie, il fallait fédérer ces initiatives au niveau des territoires. Il était convaincu qu’il fallait faire converger des initiatives locales pour donner de l’ampleur au mouvement de l’économie sociale et solidaire.

Ce sont ce que vous appelez les accélérateurs ?

Effectivement. Un an après, nous avons créé des événements, des journées d’accélération. Le principe est de mettre autour de la table à la fois des acteurs de l’économie classique et l’ensemble de l’écosystème de l’économie sociale et solidaire. Au départ on voulait plutôt accélérer l’engagement des acteurs de l’ESS et au final on s’est rendu compte que c’était plutôt un outil de coopération. C’est la quatrième édition cette année, et on s’aperçoit que ça répond bien à l’appel de Claude de coopérer. Dans son appel il évoque aussi le « don-contre-don », c’est-à-dire donner du temps, venir pour donner, et finalement recevoir. L’accélérateur, c’est bien ça, on prend une journée pour accompagner un projet que l’on ne connait pas et on ressort très content en se questionnant soi-même sur son propre projet. On essaie ainsi de mettre en pratique ce cercle vertueux du don-contre-don qui est très présent dans l’économie sociale et solidaire.

Quel trait de la personnalité de Claude Alphandéry vous a marqué ?

Claude Alphandéry s’est engagé dans la résistance très jeune et l’on retrouve chez lui cette envie de résister pour qu’advienne cette économie plus inclusive, plus durable, pour un monde meilleur. Il pensait qu’il fallait toujours résister, toujours se tourner vers l’avenir, en disant à 100 ans : « Vous avez deux ans pour créer des clubs de la coopération sinon je ne les verrai pas ! ». Ce qui m’a marqué chez lui, c’est d’être toujours dans la résistance, c’était d’ailleurs le titre d’un de ses livres « Vivre et résister ».

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