Dans Une affaire de principe, Antoine Raimbault retrace avec vigueur une affaire qui a secoué le Parlement européen en 2012. Barroso et Kessler, celui qui surveillait les fraudes, sont pris la main dans le sac par José Bové. Bouli Lanners, Bové à l’écran, incarne à merveille ce combat pour la transparence, qui est toujours resté dans les limites d’une parfaite et courtoise légalité. Un très beau thriller de bureau.
José Bové (Bouli Lanners) et son attaché parlementaire (Thomas VDB). Photo Pascal Chantier.
Par Bernard Cassat
À partir du livre de José Bové « Hold-up à Bruxelles », dans lequel il parle entre autres de l’affaire John Dalli, Antoine Raimbault et Marc Syrigas ont écrit un scénario et l’ont soumis pour contrôle à José Bové himself. L’affaire en question, c’est l’accusation de corruption du député maltais John Dalli. Dans le rôle des videurs, José Barroso, alors à la fin de son deuxième mandat à la présidence de la Commission européenne et son ami Giovanni Kessler, directeur général de l’Office européen de lutte antifraude (Olaf). Ils l’accusent d’avoir demandé 60 millions d’euros (tout de même !) au lobby du tabac pour faire lever l’interdiction du snus, un dérivé du tabac très prisé des Suédois. Député européen (se positionnant à droite), Dalli est chargé de la Santé et de la Politique des consommateurs. Il démissionne tout de suite, très atteint. L’accusation est donc grave.
John Dalli a toujours été clairement contre le tabac
José Bové est très étonné de cette affaire, car John Dalli, pour une fois, était de son côté, défendant bec et ongles cette interdiction. Son père était mort d’un cancer du poumon, et Dalli a toujours été clair dans ses positions contre le tabac. Déjà remonté contre Barroso, mais sans rien de précis, José Bové commence à enquêter. Il faut évidemment des preuves en béton pour accuser.
L’équipe Bové. Photo Pascal Chantier.
Pour raconter toute cette histoire dans son contexte, le scénario invente Clémence, une stagiaire (Céleste Brunnkell) qui arrive pour trois mois dans l’équipe de Bové (Bouli Lanners) à Strasbourg. Son attaché parlementaire Fabrice (Thomas VDB) commence par lui faire visiter cet immense lieu dont on connait déjà quelques images emblématiques pour les avoir vues aux informations, les ascenseurs en verre et les passerelles, propices aux rencontres et aux interviews.
Des relations officielles et officieuses
On va donc rentrer dans les arcanes européens par ces passages ouverts pour pousser quelques portes plus secrètes et mettre à jour des relations complexes. Que ce soit en séance plénière, dans le secret des petits bureaux ou dans les petits groupes à la cantine, les échanges prennent tout leur sens, bien au-delà de ce qu’on pouvait imaginer sur un fonctionnement de groupes politiques constitués. Les regroupements s’opèrent surtout au cas par cas, sur tel ou tel sujet. Dalli par exemple, opposé à Bové sur les OGM et les additifs alimentaires, se retrouvait avec lui sur le tabac.
L’heure décisive du vote. Photo Pascal Chantier.
José/Bouli, dans le film, explique très clairement, et avec une très belle position politique et idéologique que l’on retrouve d’ailleurs dans le titre du film, que la question n’est pas droite ou gauche, mais honnêteté et morale républicaine. Lorsque Clémence s’insurge de ne pas aller plus loin, elle se fait rembarrer par un discours très calme sur la démocratie, sur les petites victoires qui jalonnent le chemin plus important vers un respect démocratique des gouvernances.
Un thriller de bureaux
Tout le long de cette heure et demie, on est tenu en haleine par la nervosité du montage, par les astuces de scénario. Le film devient « un thriller de bureaux » comme le dit Antoine Raimbault. Avec des temps forts, comme cette scène où José/Bouli demande à consulter un document primordial dans l’affaire. On le lui amène sous escorte dans une petite salle de consultation en présence d’une gardienne. Il découvre un document censuré, aux lignes rayées de noir, se lève, très énervé, et soudain ouvre la fenêtre et jette le document par la fenêtre pour que Fabrice le récupère. Sauf qu’en réalité, la fenêtre de ce bâtiment climatisé ne s’ouvrait pas.
Tous les acteurs sont excellents et crédibles. On a dit combien José et Bouli avaient de points communs. Thomas VDB et Céleste Brunnkell, par leur antinomie, l’un vieux routier un peu blasé, l’autre qui découvre avec une excitation palpable ce système, permettent d’impulser à l’histoire compliquée sans être complexe, un rythme dynamisant. On comprend mieux le fonctionnement de ces institutions tellement loin de notre quotidien. Un mois avant d’élire cette assemblée où règne aussi la corruption, c’est important de faire le point !
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