Ligne POLT : entre amateurisme et mépris

Les rames du Paris Orléans Limoges Toulouse (POLT) viennent de prendre une nouvelle année de retard et la circulation sera interrompue pendant six mois en journée pour finir les travaux. Jean-Claude Sandrier fulmine.

Train en gare de Limoges. Photo Magcentre


Par Pierre Belsoeur


Rarement Jean-Claude Sandrier avait été aussi optimiste qu’au printemps 2023. Dieu sait qu’en dix ans le président de l’association Urgence POLT, (qui fédère élus, chefs d’entreprises, utilisateurs tout au long de la ligne) avait dû affronter des vents contraires. Cette fois, même si le nombre de rames commandées paraissait un peu léger pour assurer les quatorze allers-retours réclamés et que les travaux continuaient de retarder les trains, on voyait le bout du tunnel. Et puis patatras, les trains promis pour fin 2025 n’arriveront qu’un an plus tard, vient-il d’apprendre. Cerise sur le gâteau, le trafic sera interrompu entre août et décembre 2025 pour achever lesdits travaux.

La CAF, un constructeur pas à la hauteur

C’est tout de même la troisième fois que CAF (pour Construcciones y Auxiliar de Ferrocarriles) un constructeur basé au Pays basque et disposant d’une filiale à Bagnères-de-Bigorre, annonce un retard dans la livraison des rames POLT. Cette fois, ce sont des problèmes de moteur et de freins, repérés lors des premiers essais qui engendrent ces nouveaux retards. Le président Sandrier s’agace. « CAF a gagné l’appel d’offres européen, mais nous avons toujours eu un doute sur la capacité de cette entreprise à remplir sa mission. À notre avis elle n’avait pas les reins assez solides. De fait, les moteurs fabriqués au Japon doivent être capables d’entrainer les trains à 220 km/h pendant 500 à 750 km. On n’y est pas et opérer des modifications moteur avec un sous-traitant à l’autre bout de la planète, ça prend du temps. De même, sous-dimensionner le freinage pour des rames circulant à une telle vitesse, c’est de l’amateurisme. Malheureusement Alstom, qui dispose d’un TGV bis correspondant parfaitement aux besoins, a très mal joué, proposant d’abord un TER à peine amélioré, avant ce TGV bis aux performances un peu supérieures aux besoins et surtout beaucoup plus cher. Le pire c’est que CAF a dû s’adapter pour répondre aux besoins et va construire une partie des rames… dans l’ancienne usine Alstom de Reichshoffen, près de Strasbourg ».

Jean-Claude Sandrier a écrit un livre sur le combat d’Urgence POLT pour sauver la ligne de l’ancien Capitole. Photo Pierre Belsœur

Réduction de 50% jusqu’à la mise en service

Dans un communiqué, Urgence POLT demande à l’État de faire pression sur le constructeur pour que ce dernier recrute les moyens humains afin de livrer les rames dans les délais. Cela s’apparente à un vœu pieux même si les pénalités de retard peuvent inciter le constructeur à mettre les bouchées doubles. Il aura toujours l’argument de la sécurité à opposer à ce chantage.

Par contre le bras de fer entre les élus et l’État va s’engager pour éviter le blocage de la circulation pendant six mois. « En fait, explique Jean-Claude Sandrier, la SNCF qui rendait, autrefois, l’absence de trains de fret la nuit responsables du givre sur la caténaire, affirme désormais que l’intensification de ces mêmes trains de fret empêche d’effectuer les travaux de nuit. D’où le choix d’interrompre le trafic pendant six mois entre 9 h 30 et 17 h 30, ce qui ferait tomber le trafic à trois allers-retours de fin août 2025 à début janvier 2026 ».

Cette désorganisation annoncée du trafic prouve une nouvelle fois le peu de cas que l’on fait des habitants des territoires desservis par la ligne POLT. L’association Urgence Polt demande donc que les tarifs pratiqués par la SNCF tiennent compte de cette baisse de qualité du transport. « On n’a même pas prévu de cars de remplacement », remarque Jean-Claude Sandrier.

Deux rendez-vous sont programmés à Limoges dans les semaines à venir : une réunion du conseil d’administration le 25 mai où l’association peaufinera ses demandes, mais on part sur un souhait de baisser de 50% les tarifs jusqu’à la mise en service des nouvelles rames, au cours du premier semestre 2027 ! La deuxième, fin juin-début juillet, toujours à Limoges, ce sera la réunion trimestrielle du groupe de travail qui réunit l’État, la SNCF, Urgence POLT, les syndicats et les représentants des usagers. Elle se tiendra en présence du PDG de CAF France !

La réalité pure et dure, c’est que le trafic ferroviaire entre Paris et Toulouse (mais aussi sur la ligne Paris-Clermont puisque les fameuses rames doivent également remplacer ses trains obsolètes) reste en apnée pour trois ans encore. Ce doit être pour cela que les promoteurs du projet ont baptisé les nouvelles rames « Oxygène ».

On risque de retrouver ces manifestations devant les gares de la ligne dans les prochains mois. Photo Pierre Belsœur


Plus d’infos sur le sujet :

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Commentaires

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  1. Nous avons déjà eu une période sans train en journée.
    C’est très pénalisant lorsque l’on a une activité sur Orléans une demi journée et une autre sur Paris l’autre demi journée!
    Cela se rajoute aux difficultés de revenir de Paris à Orléans après un spectacle en soirée, at aux horaires tardifs des trains Orléans Paris le dimanche matin.

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