Au 1ᵉʳ juin 2024, tous les habitants de France auront une domiciliation précise, même ceux des communes de moins de 2000 habitants. Ainsi en ont décidé avec adresse les promoteurs de la loi 3DS.
Par Mag’Dom
« Même les inconnus vont avoir une adresse ? ». Tout en finalisant la réalisation des plaques de ses galeries, pour être conforme à la loi 3DS, la tribu taupienne se gaussait doucement. Applicable pour toutes les communes au 1ᵉʳ juin, cette loi votée en 2022 impose à chaque habitation d’être référencée par un numéro et un nom de voie, avec obligation pour les édiles d’en créer s’il n’y en avait pas. La moindre masure forestière d’un village de 50 habitants sera ainsi répertoriée pour faciliter l’arrivée des secours, ou d’une improbable missive informant l’ermite local qu’il a hérité d’un cousin d’Amérique. L’intention est louable, mais l’application lente à venir, et les embrouilles imminentes.
Cela promet un beau charivari, en y associant les récentes révélations de l’INSEE, qui note qu’en 2022, 150 000 personnes ont changé de nom de famille. Ainsi, sans qu’il déménage, M Martin, sis au Lieu-dit le Clos de l’âne, deviendrait M Baudet-Martin, 1, Allée Curie. De quoi faire que le bât blesse, au vu du coût global prévisible, notamment en renouvellement de cartes d’identité et autres panneaux routiers.
Les questions d’identité sont récurrentes, note l’archiviste de la tribu. Entre changements de patronymes/matronymes et d’orientation pour un nom commun, les exemples jouent avec les confusions. Ainsi, en Centre Val de Loire, à l’esprit peut-être aussi potache, mais aux objectifs très différents, une autre Taupe a pignon sur rue, réunissant les classes préparatoires scientifiques aux grandes écoles des Lycées Pothier et Benjamin Franklin. Et les plus anciens se souviendront que c’est en 1974 qu’arrêtait de paraitre une autre Taupe orléanaise, impertinente et plus militante, celle des anarchistes et révolutionnaires locaux, qui évoquera probablement des souvenirs à quelques lecteurs (trices).
D’autres, moins engagées, imaginent plutôt les futures difficultés des amateurs d’Urbex, qui ne pourront plus cacher leurs lieux privilégiés de discrètes prises de vue. Telles celles répertoriées dans l’Indre, comme le très éthéré domaine d’Oublaise, à Luçay le mâle, ou Châteauvieux, en Loir-et-Cher.
Dans un ouvrage récent, le philosophe Bernard Andrieu classe 90 “mots de demain” dans un “Dictionnaire des combats d’aujourd’hui”. Des mots nouveaux, et d’autres très connus, ayant changé de sens depuis leur origine. Ainsi trouve-t-on l’expression “In situ”, qui “replace les choses dans leur milieu naturel”, quitte à désorienter les sociologues et chercheurs qui vont au contact des “autochtones”. De là à imaginer que ce sont eux qui ont conçu la loi 3DS…
