Le macronisme contre les élites (sic)

[Billet]

Vous en avez probablement entendu parler : lors d’une réunion de soutien au peuple palestinien organisée à Sciences Po Paris en début de semaine dernière, une étudiante juive aurait été interdite d’entrée dans un amphi car juive.


Par Joséphine


Immédiatement, certains médias ont monté l’affaire en épingle, aux avant-postes desquels Europe 1, le JDD et C-news, bref, la galaxie Bolloré. Ils sont bientôt repris par Macron et Attal, arrivé sur place quelques heures plus tard pour dénoncer en citant Mao que « le poisson qui pourrit par la tête ». Même la ministre compétente Sylvie Retailleau y est allée de sa déclaration empreinte de gravité, perpétuant les discours en vogue depuis quelques années : l’enseignement supérieur est gangrené en France par le wokisme islamo-gauchiste, les étudiants étant manipulés par un gang d’idéologues grimés en professeurs. Très vite, le RN qui relativise en permanence le savoir universitaire pour y substituer ses avis et opinions ainsi qu’une partie des centristes qui entend exister contre la Nupes, ont multiplié les prises de position publiques, participant à faire gonfler l’intox, se posant en héros de l’anti-racisme, de la laïcité et de l’arc républicain, bons sentiments à l’appui, et au diable la fiabilité de l’info. De Bernard Cazeneuve aux zemmouristes en passant par Aurore Bergé, une grande danse de la joie s’est organisée autour de la dénonciation du dogmatisme d’ultra-gauche qui terrorise donc Sciences Po.

Pourtant, lorsque l’on remonte aux sources de l’info, notamment Le Parisien puisqu’on lit les quelques journalistes qui ont enquêté sérieusement, force est de constater que :
– l’étudiante en question n’a pas entendu des propos supposés antisémites
– l’étudiante est membre de L’Union des Étudiants Juifs de France (UEJF) et que ce sont deux de ses camarades qui affirment avoir entendu le propos “toi t’es une sioniste, tu ne rentres pas”, sans aucune preuve ni autres témoins
– que l’étudiante en question a pu entrer dans l’amphi
– que l’étudiante en question avait déjà participé à des réunions de ce type, filmant les participants et diffusant leurs images sur twitter (X), interrompant une minute de silence pour les victimes civiles palestiniennes par des hurlements “Hamas Assassins”
– que des étudiants juifs de Sciences Po ont participé à la réunion sans aucun souci et qu’ils dénoncent l’attitude de l’UEJF en ce qui concerne le conflit israélo-palestinien et leurs méthodes d’intimidations envers ceux qui soutiennent les civils palestiniens.

La critique violente du milieu universitaire

Pour autant, les macronistes, le centre-gauche proche du Printemps Républicain – façon Valls et les éditocrates de Franc Tireur – et la fachosphère se sont retrouvés une nouvelle fois sur la même ligne, de plus en plus inquiétante, de critique violente et relativisante du milieu universitaire, censé avoir sombré dans la pure idéologie, niant les méthodes propres aux disciplines des sciences sociales, l’épistémologie de la recherche, le fort contrôle du débat savant entre pairs spécialistes et tout un corpus de concepts communément admis depuis plus de 60 ans. Les universitaires ne feraient plus que pondre d’infâmes opinions que le bon sens populaire cher à l’extrême-droite ou le pragmatisme responsable affiché par le Président de la République doivent redresser avec vigueur et courage. On se souvient de la polémique lancée par l’alors ministre de l’enseignement supérieur Frédérique Vidal, qui avait promis une enquête interne menée par le CNRS au sujet de « l’ensemble des courants de recherche en lien avec l’islamo-gauchisme » à l’été 2021, quelques mois avant la présidentielle. Enquête bien entendu jamais menée, le CNRS ayant décliné la proposition et l’agenda médiatique ayant trouvé un autre sujet « droite friendly » sur lequel porter son dévolu.

Les embrouilles politiques violentes entre étudiants et les intoxs sont classiques et permanentes à l’Université, depuis toujours. Les critiques de l’extrême-droite envers ce milieu qui vient déconstruire la plupart de ses concepts et catégories fumeuses, sont tout aussi classiques. Ce qui l’est moins, ce sont les technocrates dits centristes qui reprennent ces méthodes pour décrédibiliser l’Université, s’achetant un utile brevet anti-élites à pas cher, courant toujours et encore derrière le RN, désormais donné gagnant à toutes les prochaines élections. Elites desquelles ces technocrates font souvent partie, sortant en majorité de Sciences Po Paris et surtout de milieux bourgeois inquiets du maintien de leur statut en ces temps d’agitation post loi El-Khomri puis Gilets-Jaunes. Les gesticulations d’Emmanuel Macron lors qu’il avait promis au printemps 2021 de supprimer l’ENA, école dont il a fini major de promo, étaient l’acte I de ce processus populiste calqué sur les postures du RN.

Effrayante période. Un boulevard pour la prise de pouvoir de l’extrême-droite et pour le triomphe de ses catégories de pensée, son vocabulaire et son idéologisation à outrance du monde. Avec désormais explicitement, une partie de la bourgeoisie gagnée aux idées autoritaires entrée en guerre contre des universitaires devenus, par leurs critiques et espaces de lutte, une menace pour le maintien de l’ordre social et fiscal. Décidément, les idéologues dogmatiques, ce sont toujours les autres…

Plus d’infos autrement sur Magcentre : Loi immigration, comment résister à la haine qui l’inspire ?

 

Commentaires

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  1. Je ne remets pas en cause le fond de votre article, mais il ne vous aurait pas été difficile de savoir que ce cher Emmanuel n’a jamais été major de l’ENA, il vous suffisait de lire l’article qui lui est consacré dans Wikipédia :
    “Il poursuit ses études à l’ENA à Strasbourg dans la promotion Léopold-Sédar-Senghor (2002-2004) de laquelle il sort classé 5e. Mais comme l’un des sujets de l’examen final avait déjà été abordé par certains élèves, le Conseil d’État annule le classement final de cette promotion, un recours ayant été déposé par 75 élèves, dont Emmanuel Macron. Pour la première fois depuis la création de l’ENA, une promotion sort donc sans classement final, mais cette décision n’aura d’influence ni sur l’affectation d’Emmanuel Macron à l’Inspection des finances ni sur les autres élèves de la promotion.”

  2. Suggestion : que le descriptif des faits relatés dans cet article soit diffusé en boucle sur les ” chaînes d’info” qui ont bavé, vomi pendant des jours à partir d’un mensonge et que la “porte parole” du gouvernement prononce un démenti de ces ragots.
    Ce serait là l’expression d’une honnêteté qui trancherait avec l’accumulation de dissimulations ( sur le budget ), de mensonges, copinages, et autres comportements plus dignes d’une mafia que du gouvernement d’un pays
    .

  3. En fait Joséphine le centre-gauche, les centristes technocrates, les sociaux-démocrates n’ont jamais supporté que la jeunesse de la classe ouvrière puisse venir marcher sur leurs plates-bandes. Pour ces gens là, très proches de la droite car défenseurs du système capitaliste, le prolo et sa descendance doivent rester la main d’œuvre obéissante et surtout ne pas venir se mélanger à cette bourgeoisie valet/collaborationniste du système.
    A chaque fois que ceux-ci ont été au pouvoir ils n’ont cédé aux revendications du peuple que par la contrainte, 1936, 1968.
    La jeunesse de gauche, celle anticapitaliste, antiraciste, antifasciste de 1981 n’oubliera jamais 1983, cette année où la social-démocratie a montré son attachement au système en bloquant les salaires, du jamais vu.
    Quels partis ou mouvements défendent aujourd’hui la paix en France ? La France Insoumise, le NPA, UCL, il y a ceux timides, comme le PCF, qui brandissent un drapeau et s’en vont.
    Quels partis ou mouvements défendent aujourd’hui la laïcité en France ? Les mêmes parce que non racistes et respectueux des citoyennes et citoyens.
    En effet l’époque est effrayante, mais rien de particulier à celles où le capitalisme bancale faisait joué à sa, grande et petite, bourgeoisie du pipeau sur le danger de l’autre, en œuvrant jusqu’à la déclaration de guerre pour garder ses privilèges.
    L’extrême-droite est un danger pour les libertés, la social-démocratie, le centre gauche, la gauche-technocrate sont des chausse-trappes comme le sont la droite macronique ou ciottiste qui n’ont d’autres alternatives pour leur survie que la répression accompagnée d’une vision autoritaire, péremptoire devant s’appliquer sans qu’aucune autre pensée puisse remettre en cause leur vérité.
    J’espère que le 9 juin les citoyennes et citoyens sauront se rappeler qui défend les libertés, l’égalité et la fraternité.

  4. depuis ma tendre enfance, et croyez-moi cette période est assez éloignée, une plaisanterie bien grasse consistait, lorsque l’on défendait une position en peu bancale devant nos interlocuteurs, d’affirmer :”tu dis ça parce que je suis Juif”…. et ainsi faire taire nos adversaires du moment qui se sentaient mouchés…. ! Plus tard on se défendait lorsqu’un débat d’idées ne se déroulait pas à notre avantage, d’affirmer en tapant sur la table :”tu dis ça parce que je suis une femme” etc… etc… cette victimisation a été un “truc” pour garder le dernier mot auprès de contradicteurs qui se sentaient tout à coup un peu gênés… !! Je vois que nos élites aujourd’hui reviennent aux vraies valeurs classiques sans rougir le moins du monde d’utiliser de tels développements minables….

  5. Il me semble que l’université, primesautière en toutes époques et surtout au printemps, a toujours connu ces affrontements. Dans ma jeunesse de vieux boomer, c’était le Viet Nam qui suscitait les passions, et les groupes maoïstes et trotskystes affrontant le mouvement occident ou ordre nouveau étaient sans doute plus violents que les étudiants d’aujourd’hui. Ce qui change, et cette affaire embrouillée en est le témoin, c’est que plus personne ne prend le temps d’analyser la situation parce qu’il faut réagir très rapidement et sous la dictature de l’émotion de l’instant enflammée par les réseaux sociaux. Donc ils font et disent des conneries, et je crois bien que tout le monde dit des conneries. Mais j’observe aussi les affrontements incantatoires à l’Assemblée nationale sur des projets de loi qui ne sont plus analysés, débattus et amendés, pour être finalement adoptés en l’état par des gens qui ne savent même pas ce que contient véritablement la loi qui sera publiée parce qu’ils ne vont plus au-delà de l’incantation alors que nous savons que le plus souvent, le diable est dans les détails et se frotte les mains de ces gesticulations. A cet égard, la motion de rejet adoptée par la gauche et la droite sur la loi immigration a débouché sur un texte bien plus dur, même revu et corrigé par le conseil constitutionnel, que ce qu’il était initialement. Les travailleurs sans papiers qui espéraient un droit à régularisation opposable aux préfets dans les métiers en tension, prévu dans le projet initial, seront en définitive assujettis à leur arbitraire. Ils ne remercient pas les orateurs flamboyants de la gauche parlementaire. C’est décidemment trop compliqué pour tout le monde de prendre le temps de l’analyse.

  6. Samedi 24 Mars vers 16h place du Martroi, trois jeunes JAM “Jeunes avec Macron” distribuent des tracts pour les élections européennes.
    J’engage la discussion avec et nous avons pendant 10 bonnes minutes un dialogue entre nous avec des questions , des réponses, des critiques et puis survient un adulte, la quarantaine, barbe de trois jours,(mais pas négligée) lunettes de soleil, blouson cuir noir qui nous interpellent : “Alors les jeunes ça discute” et me toisant commence à déverser les éléments de langage du macronisme, je le laisse parler trois minutes, sans l’interrompre et profitant qu’il reprend sa respiration lui propose de lui répondre.
    Je commence et pas dit trois mots qu’il me coupe la parole, je lui fais remarquer que ce n’est pas poli et reprend la parole mais il m’interrompt à nouveau et devant mon obstination à lui demander de se comporter correctement s’en va.
    je me tourne vers les trois jeunes et leur dit : c’est ça Macron !.

  7. Dur dur !! Juste analyse

    J’ai commencé la fac à 16 ans. Je ne vais pas m’éterniser, notre peur collective lycéenne et étudiante dans une guerre froide qui n’avait pas de date limite, était de prendre une bombe nucléaire pleine tronche ! Les profs sortaient eux-mêmes, étudiants de 68, avec une boule au ventre. A la fac d’ASSAS, ou sévissait le GUD, un jeune Algérien avait été retrouvé ‘couché sur le ventre, les pointes du grillage dans les viscères. J’ai vu une photo. Inoubliable
    Ce grillage vérole encore et toujours l’expression de la pensée unique, d’où qu’elle provienne, quelque soit son extrémisme ! Or des imbéciles sont là à commenter, à remettre en question, à déstabiliser et il serait bon de laisser dire, laisser faire.

    Les gamin.es ont aujourd’hui la même boule au ventre, boule d’angoisse reconnaissable entre toutes.

    Accepter et retenir des informations de sources fiables et objectives, c’est avant tout notre travail ! C’est également celui de chaque lecteur.trice. Nous sommes responsables de chaque mot devant, sûr et accompagnant les maux de la jeunesse actuelle !
    Assumer de délivrer des informations dans leur exactitude, accepter de lire une information vérifiée, accepter une vérité qui dérange, mais qui permet d’agrandir son champ de vision, de remettre en question les convictions personnelles, accepter d’être déstabilisé.e n’est pas se sentir accusé.e ! Et permet de ne pas catégoriser l’auteur d’un billet, d’un article, d’un blog
    Catégoriser sans le/la connaître, sans jamais avoir entendu le son de sa voix, équivaut à lyncher l’information.

    Joséphine KA, merci !

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