Le défi parlementaire de la prochaine loi sur la fin de vie

Après avoir trop différé et tergiversé pour tenir sa promesse d’une loi sur l’aide active à mourir, le président Macron semble avoir enfin tranché. On connaît désormais ses dernières volontés sur ce thème particulièrement délicat. Le jeudi 7 mars 2024 Emmanuel Macron a dévoilé ce que devrait contenir la prochaine proposition de loi sur la fin de vie.

 
Par Jean-Paul Briand


Dans la sélection des deux journaux, afin de faire son annonce, comme pour la proposition de loi, la pensée isochrone présidentielle est bien présente. D’une part ce sont deux organes de presse de sensibilités divergentes que le Président a choisi : Libération, journal progressiste laïque et La Croix, quotidien catholique. D’autre part, cette nouvelle loi mettra en place le suicide assisté du modèle Oregon et « en même temps », dans certains cas exceptionnels, elle autorisera l’euthanasie du système belge.

C’est un nouveau modèle de fin de vie, spécifique à la France, qui devrait être présenté dans un premier temps au Conseil d’État, puis exposé en avril en Conseil des ministres. Son passage en première lecture à l’Assemblée nationale est prévu fin mai avant d’arriver à l’automne au Sénat pour suivre ensuite un éventuel va-et-vient entre les deux assemblées. Dans le meilleur des cas la loi ne devrait être définitive qu’en 2025.

Un contrôle par un collège de médecins

Cette prochaine loi ne permettra une aide à mourir que sous des conditions très encadrées : être majeur et capable de discernement, être atteint d’une maladie incurable provoquant des souffrances physiques ou psychologiques réfractaires à tous traitements et entraînant un pronostic vital à court ou moyen terme. Cette demande pourra être faite aussi bien par un malade à l’hôpital, en établissement de soins ou à domicile. Elle sera examinée par un collège de médecins afin de contrôler si tous les critères sont bien réunis. La réponse doit être donnée dans les 15 jours. Dans l’affirmative, une prescription (valable 3 mois) d’un produit létal et les modalités de sa mise en œuvre seront remises au patient.

Il s’agira donc d’un suicide médicalement assisté si le malade est suffisamment autonome. Si le souffrant est atteint d’une maladie particulièrement invalidante, ne lui permettant pas de prendre seul la substance mortelle, il pourra alors faire appel à une tierce personne pour l’y aider.

Si le malade se voyait refuser sa demande d’aide à mourir, la loi devrait prévoir des recours. Par ailleurs les soignants pourront faire valoir une clause de conscience.

Deux lectures hostiles et antagonistes

Cet assemblage législatif complexe de suicide assisté et d’euthanasie, même si le président Macron a récusé ces mots, risque d’entraîner deux lectures hostiles et antagonistes. Certains y verront une loi incomplète qui ne répond pas aux aspirations de celles et ceux qui militent pour que soit respecté pleinement leur droit de décider de mourir. Par ailleurs, elle oublie les patients atteints de maladies neurologiques implacables de type Alzheimer ou Charcot. Dans un communiqué, le président de l’ADMD, Jonathan Denis, a déjà dénoncé ces carences.

A contrario, celles et ceux qui considèrent que la fin de vie ne peut se résumer à un geste technique et que la loi Claeys-Leonetti de 2016, autorisant une « sédation profonde et continue jusqu’au décès » est bien suffisante, vont s’opposer à cette avancée législative. Pour cela ils vont accuser cette proposition de loi de jouer avec les mots et d’autoriser bel et bien l’euthanasie en ouvrant la porte à de multiples détournements et transgressions.

Le « en même temps » présidentiel trouve là ses limites. Espérons que le débat parlementaire à venir pourra aborder ces points de crispation avec tact et mesure.

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Commentaires

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  1. Cette isochronie- l’en même temps macronien- s’origine peut-être dans sa formation religieuse d’obédience jésuite.
    Ce que cette doctrine peut provoquer comme addiction comportementale peut s’illustrer par cette histoire: “Au carrefour de deux chemins des paysans discutent et voient arriver un moine qui s’adresse à eux pour leur demander le chemin d’un monastère.L’un d’eux lui demande s’il est jésuite et suite à sa réponse affirmative lui répond : ça va être compliqué pour vous parce que c’est tout droit”.
    Quand au choix individuel, décider de continuer de vivre ou décider de mourir c’est justement sortir de cet “en même temps” car en prenant la décision de cesser de vivre l’être humain accepte de reconnaître qu’il a fait, eu, son temps et de cela il est le seul habilité à l’estimer.

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