En 2019, Voies Navigables de France lançait un appel à projets pour redonner vie aux maisons éclusières du canal de Briare. De là est née la Maison prodigieuse, à Montbouy, qui prépare sa nouvelle saison. Cinq kilomètres plus au sud, à Châtillon-Coligny, « la maison du contrôleur » ne figurait pas dans l’appel à projets : Gilles Boustani et Violaine de Carné ont convaincu VNF.
Par Izabel Tognarelli
À l’est du Loiret, Châtillon-Coligny se démarque par son rapport à la culture et à l’histoire. Sur une suggestion de Florent De Wilde, maire de la commune, le projet à vocation touristique des VNF s’est télescopé avec celui des Micro-Folies, porté par le ministère de la Culture : « Les deux ont donné cette idée un peu folle de mélanger un projet culturel à un projet touristique », nous explique Gilles Boustani, auteur et réalisateur.
Deux étés, deux festivals, pour commencer
En 2022, la maison n’étant pas prête, les porteurs du projet ont alors investi les 2 000 m² du jardin de la Maison du contrôleur. L’été eut pour point d’orgue un festival de quatre jours, fin août. L’expérience fut réitérée l’année suivante, sur une dizaine de jours. La programmation fut très dense, avec une vingtaine de spectacles de théâtre, de musique, un bal populaire revisité, des projections en plein air, des ciné-concerts, des performances en arts plastiques et trois expositions sur l’été. Chaque jour était proposé au moins un atelier pour les enfants, mais aussi des ateliers de bien-être pour les adultes : « Tout cela demande beaucoup d’implication de la part des bénévoles », poursuit Gilles Boustani. « La première année, l’appropriation a été immédiate et très forte de la part du public. Elle s’est confortée au cours de la deuxième année, d’autant que l’on a lancé une grande souscription pour le musée numérique. On voulait que les habitants s’approprient la micro-folie, pour ceux qui le pouvaient et à hauteur des moyens de chacun, afin qu’ils aient le sentiment que c’est leur lieu et leur projet ».
Un tiers-lieu élitiste ?
À ceux qui craignent un éventuel élitisme, Gilles Boustani rétorque : « Pour dire cela, il faut vraiment n’être jamais venu. Nous avons proposé des spectacles avec des oies, avec des chiens ; c’était tout sauf élitiste, au contraire : c’était très populaire, tout comme le bal, très festif et populaire, avec des ateliers pour apprendre des danses traditionnelles. On était proche de ce que les gens connaissent, même si c’est pour leur faire connaître des danses du Tadjikistan après les danses auvergnates. Dans cette dimension festive, il y avait l’idée du voyage et de l’autre. L’élite est quelque chose d’épouvantable ».
Le principe est d’avoir des propositions « facile d’accès », et puis d’autres d’un certain niveau : ainsi en 2023 a été joué à Châtillon-Coligny Un qui veut traverser, de Marc-Emmanuel Soriano, joué auparavant au théâtre de la Colline.
Parlons plutôt d’un lieu atypique
La partie programmation est assurée par Violaine de Carné directrice artistique, dont la compagnie théâtrale est implantée à Sainte-Geneviève-des-Bois, village voisin. Certaines activités ne rapportent pas d’argent, notamment les ateliers de pratiques, les résidences, le musée numérique. En dehors des périodes de résidences d’artistes, l’appartement de trois pièces sera proposé à la location pour les touristes de passage. Pour le festival, le pass est à 8 € pour 4 jours, avec des tarifs réduits. « Nous tenons à ce qu’il n’y ait pas confusion entre animations, propositions artistiques amateurs et propositions artistiques professionnelles. Pour nous, il est important de montrer que ce que nous proposons est un travail d’artistes professionnels que nous faisons venir. On essaie de valoriser ainsi leur travail. L’objectif est de devenir le plus indépendant possible des institutions et des politiques culturelles locales ».
L’inauguration du musée numérique est prévue en avril. L’ouverture de la Maison elle-même se fera une fois les travaux terminés, normalement cet été. On pourra alors se familiariser avec ce lieu atypique, où s’investit déjà une équipe de bénévoles de Châtillon et de ses environs, avec lesquels on fera connaissance au Café Folie !
Musée numérique : ouverture en vue !
La « maison du contrôleur », bâtiment, à la fois simple et majestueux, a souffert des inondations de juin 2016 : ses fondations nécessitent une reprise. D’où un report d’ouverture qui devrait trouver une issue cet été. En attendant que la Maison des Passeurs d’histoires prenne corps et âme dans ce lieu patrimonial, le musée numérique – pensé comme une porte d’entrée vers la Maison – a investi la chapelle désacralisée de l’ancien Hôtel-Dieu, devenu musée municipal, labellisé musée de France. Le principe est le suivant : on vous confie une tablette et, installé dans un fauteuil, vous pouvez visiter les musées nationaux et regarder les œuvres. L’idée est d’avoir accès à la plupart des grands musées français. Une médiatrice aide à la prise en main, par ailleurs très intuitive. Ce matériel est complété par un très grand écran, d’une résolution plus grande qu’un écran de cinéma, « jusqu’à sentir le grain des céramiques du Louvre, » nous promet Gilles Boustani. De là, on peut assister à des projections d’opéras, de concerts en direct, grâce aux partenariats des Micro-Folies de La Villette. Châtillon-Coligny le mérite tant !