Avec les années Covid et les décisions gouvernementales brouillonnes, parfois contradictoires, voire paradoxales et donc souvent incomprises et mal acceptées, nombre de personnes rejettent les vaccins ARNm contre le SARS-CoV-2. Ces citoyens sont-ils tous des complotistes, des adeptes de sectes obscurantistes ou des populistes d’extrême droite ?
Par Jean-Paul Briand
Dans son ouvrage « American Conspiracy Theories », le politologue américain Joseph E. Uscinski explique que les apôtres de la théorie du complot sont persuadés qu’une ligue de personnes puissantes agissent en secret pour leur propre bénéfice et contre le bien commun. Cette fable d’un monde contrôlé par un clan tapi dans l’ombre et manipulant les masses est très ancienne. Historiquement des minorités, telles que les Templiers, les Illuminati, les Juifs, les francs-maçons étaient désignées comme autant de conspirateurs maléfiques. De nos jours ce sont des institutions internationales telles que l’OMS, ou des organisations gouvernementales comme la CIA, voire des Etats, qui sont accusés d’être les initiateurs occultes de la pandémie. L’apparition brutale d’un virus inconnu, qui plus est en Chine, pays en guerre économique envers l’occident, virus qui s’est très vite propagé dans le monde entier, était suspecte et inquiétante. Il y avait là des éléments propices à l’idée d’une possible machination qui a fait sortir les complotistes du bois. Avec ou sans Covid les obscures hypothèses conspirationnistes réapparaissent périodiquement mais aujourd’hui Internet et les réseaux sociaux amplifient leurs diffusions.
Étonnement, suspicion et méfiance
Les nouveaux vaccins à ARN messager (ARNm) sont des vaccins de troisième génération, dite à « acides nucléiques ». Ils émanent d’un procédé inédit pour stimuler notre système immunitaire. On synthétise l’ARNm qui code une protéine infectante du virus SARS-Cov-2. Cet ARNm est injecté dans un muscle. Les cellules musculaires utilisent cet ARNm pour produire la protéine virale infectieuse. Le système immunitaire (sous réserve qu’il soit fonctionnel) reconnaît cette protéine comme étrangère et déclenche chez le vacciné une réponse protectrice contre tout le virus. Cette immunité est gardée en mémoire et la personne qui a reçu cet ARNm devient sa propre usine à vaccin. La synthèse en laboratoire de la séquence génomique du SARS-Cov-2 a été effectuée en quelques semaines et a permis le développement de vaccins opérants et sûrs en un temps record. Cette mise en place très rapide de vaccins contre la Covid 19, créés par une technologie jusqu’alors jamais utilisée, a suscité étonnement, suspicion et méfiance.
Un déviant asocial
Dans le contexte de la pandémie très agressive de COVID-19 et avec des services hospitaliers débordés, il était logique d’utiliser cette technique audacieuse, efficace à court terme et rapide à mettre en application malgré un manque de recul évident. En effet on ne sait pas encore si à long terme les vaccins à ARNm auront des effets délétères. Ce doute inquiétant a fait que certaines personnes récusent ce vaccin. Mais vouloir imposer le principe de précaution c’est oublier que la vaccination collective à grande échelle, malgré ses risques, a permis d’éradiquer des maladies redoutables, de la rubéole à la variole en passant par le tétanos, la coqueluche, la rougeole et bientôt la poliomyélite. Qu’un individu refuse la vaccination au risque d’occuper un lit de soins intensifs nécessaire à d’autres, ou de propager une maladie meurtrière est difficilement acceptable mais ne fait pas de lui un déviant asocial qu’il faut « emmerder ».
Des militants fascisants
Les périodes de crise sont idéales pour pratiquer de la désinformation et faire prospérer des idées radicales exploitant le doute, les incertitudes et la peur. L’attaque pandémique fut propice aux groupes extrémistes en tous genres. Pour certains l’objectif était de disqualifier et de fragiliser le gouvernement, pour d’autres de faire porter toutes les difficultés sur des groupes honnis, voire de mettre en place un projet insurrectionnel. La crise Covid a été une aubaine pour le populisme d’extrême droite qui véhicule la haine d’une pseudo élite intellectuelle, fantôme infiltré au sein de l’Etat, responsable de tous les maux de la société et ennemie du peuple. Même s’ils peuvent paraître en accord avec les discours extrémistes, ceux qui rejettent les vaccins ne sont pas à tous coups des militants fascisants.
« Les convictions sont des ennemis de la vérité plus dangereux que les mensonges » Friedrich Nietzsche
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