« Voyage au pays de la couleur avec Leena Noux »

Informaticien chinois vivant à Orléans Lijun Zhao, également vidéaste, vient de tourner un documentaire au cœur de l’atelier orléanais de la peintre finlandaise Leena Noux, membre de la Société des Artistes Orléanais. Ce court-métrage d’une remarquable sensibilité est à découvrir en février sur Youtube, sous le titre « Voyage au pays de la couleur avec Leena Noux ». Une réussite.


Par Jean-Dominique Burtin, p
hotos Valérie Thévenot

Souffle de création et solitude

Sous l’œil précis et précieux de la caméra. Photo Valérie Thévenot


Lijun Zhao aime la vidéo, il aime dessiner, il aime aussi les métiers d’art qui ont pour lui un charme entêtant. Il aime l’esthétisme et la vérité, offrir une vision toute personnelle d’un artiste ou d’un artisan, qu’il soit relieur ou luthier. Lijun Zhao aime transmettre des connaissances, l’avènement progressif d’une œuvre avec une rigueur et une précision attentive. Il dit ici de manière persuasive et talentueuse son ressenti, évoque le silencieux dialogue entre l’artiste et sa peinture. Tout cela avec modestie, conscience, doute, élégance et exigence.

Subtils échos sonores

Dans « Voyage au pays des couleurs avec Leena Noux », celui qui a déjà réalisé un documentaire sur Monsieur Ferrière, relieur dont l’atelier se trouve rue Pothier en face de celui de Leena Noux, artisan d’art qui l’a incité à rencontrer Leena, fait ici œuvre de cinéaste.

Nulle interview dans ce documentaire de vingt minutes, nul sous–titrage dans ce film, sauf l’introduction furtive de quelques incrustations : Finlande 1978 ; France 2024 ; Another day ; Two weeks later (Deux semaines plus tard). Deux sous-titres en anglais pour traduire les paroles de Leena Noux, enfant.

Place, ici, à une qualité de son magnifique, à des gestes anodins du quotidien, à un passage du noir et blanc à la couleur qui relève du tour de magie sur un souffle musical éphémère, extrait de Times Lines, de Charlie Ryan.

Intensité poétique de chaque instant

Dans cette envolée poétique à la passionnante densité, Lijun Zhao nous invite à partager son regard porté sur une artiste à l’œuvre nécessitant une énergie qui la rend parfois si pâle et si grave. Ici se révèlent la solitude de l’atelier, l’épreuve et l’apaisement en osmose. Quelques instants de repos, le temps d’un mug de café blotti au creux des paumes, par exemple, sont des pauses bienvenues.

« Au début, nous confie Lijun, j’avais un préjugé sur la peinture abstraite et puis, peu à peu, au fil du tournage, j’ai découvert le travail, la technique de la pensée de Leena, son évolution, son intention, cette manière de dompter l’imprévisible ainsi que sa spontanéité. »

De l’enfance de l’art à la peinture femme et flamme

Leena Noux : « Lijun est un beau jour venu vers moi en me proposant un documentaire courant de mon enfance à aujourd’hui. Compte tenu de cela j’ai contacté plusieurs amis qui se sont montrés enthousiastes pour me présenter une enfant susceptible d’évoquer, à l’écran, une fille nordique de 8 ans qui va, un beau jour, rencontrer dans un livre, l’œuvre du peintre norvégien Edvard Munch. Cette création l’impressionnera tellement qu’elle voudra pour toujours entrer en peinture. Fin octobre 2023, Margot Desbois Gayet, en compagnie de sa famille se présente, je sais tout de suite que c’est elle qui va jouer. Elle a 10 ans et va me représenter, durant quelques minutes. Lijun et elle vont s’entendre à merveille lors du tournage, ils s’amusent, ils rient. Margot joue joliment le jeu avec une présence naturelle, elle s’engage et c’est un vrai bonheur. Quant à moi, j’ai l’habitude de travailler rapidement et de manière intense. De fait, nous avons tourné deux jours par semaine durant trois semaines, et je dois avouer qu’il m’a parfois été difficile de casser mon rythme à la demande de Lijun lorsqu’il tenait à revenir sur un plan, sur un détail, sur une action qui lui paraissaient essentiels. Tout cela fut cependant une suite d’instants totalement merveilleuse où rien, dans la tension, ne fut réinventé. »

Une image naissante en toute solitude

Aujourd’hui, voici un court métrage où le réalisateur a su saisir les gestes, les repentirs évolutifs de l’artiste, ses regards sur l’avènement de la toile, ses arabesques rugueuses, la beauté fulgurante de ses embellies de couleurs, la poignée de papier de soie qui griffe la toile et effiloche les traits. Ici, chaque plan est une toile et puis s’enflamme, nous emporte jusqu’à l’éclosion finale de l’œuvre suspendue, mais bel et bien aboutie, venue à bout de tous ses revers. Ici, dans ce documentaire hors normes, dont la lenteur nous prend par les yeux, Lijun magnifie l’œuvre de l’artiste, son souffle, ses mains conjuguant la toile de tout le corps. Il révèle et la griffe et le baume. Car parfois la peinture pleure sur la toile, ce qu’il capte magnifiquement.

Consacré à l’enfance de l’art qui se métamorphose en la peinture d’une femme flamme, voici, en fin de pellicule, cette offrande radieuse, joyeuse et dansante des interprètes.

Farandole de sourires pour l’avènement

En fin de cette « pellicule » abstraite on écoutera Mornin’Pancakes de The Delegates, charmante et souriante balade qui accompagne le retour sur quelques scènes du film et ses coulisses. Dès lors, on ne peut penser qu’au joli final de La Nuit américaine de François Truffaut que clôt un tourbillon d’images sur une musique de Georges Delerue (Le grand choral).

L’occasion est ainsi trop belle de se prendre à revenir sur le jeu de Margot, présence vive et légère, dont on a aimé la course dans les escaliers, sa façon de tourner les pages du livre consacré à Edvard Munch dont l’œuvre troublante, amoureuse, tendre et déchirante ne se résume pas qu’au célèbre Le Cri.

Par ailleurs, dans ce film où création rime avec libération, tel un essai littéraire qui donne du temps au temps, on aimera aussi les scènes tournées fugitivement en extérieur. On ne pourra, enfin, qu’aimer cette constante inspiration de Leena Noux qui relève d’une merveilleuse respiration intérieure du monde.

Valérie Thévenot, notre photographe, dont les clichés accompagnent cet article, nous livre sa sensible impression : « Quand Lijun m’a présenté ses premiers rushes montés, j’ai été marquée par la finesse de son travail, avec des prises de vue de qualité, très graphiques, aux cadrages précis, presque millimétrés. Le tout est accompagné par une prise de son qui nous happe, donnant un relief particulier à chaque scène. J’ai hâte de voir le résultat final, tant j’ai été transportée par ce bel ouvrage en cours de création. »


Leena Noux expose durant trois semaines, à compter du 15 février, à la galerie finlandaise Kajaste, à Oulou, sa ville natale.

Lijun Zhao a déjà publié sur Youtube un documentaire sur Monsieur Ferrière, relieur orléanais.

 


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Commentaires

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  1. Très joli portrait.
    Pourquoi, lorsque l’on réalise une oeuvre abstraite est on obligé de peindre systématiquement la totalité de la surface d’un chassis aux dimensions standardisées ?

  2. Je pense que si l’on ne peignait qu’une partie de la toile, abstraite ou pas, Monsieur Ripolin aurait vendu moins de peinture… et vous ?

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