Au Théâtre Olympia, « Daddy » navigue entre virtuel et réel dans le monde de l’adolescence

Marion Siéfert poursuit son travail de décryptage de la jeunesse d’aujourd’hui confrontée aux réseaux sociaux et à leurs dangers, entre ceux de la criminalité et les mirages du monde des stars. « Daddy », un spectacle de trois heures et un peu plus(1), où l’esthétisme transcende le rêve virtuel.

Par Bernard Thinat

On connaissait le dernier spectacle de la metteuse en scène Marion Siéfert, « Jeanne Dark » présenté aux deux CDN de la Région, Tours et Orléans. Une adolescente présente sur Instagram était la proie des moqueries et harcèlements. Héléna de Laurens, seule en scène, était époustouflante.

Avec sa Compagnie, Ziferte Productions et le cinéaste Matthieu Bareyre, elle creuse un peu plus le thème qui lui est cher, celui de l’adolescence confronté aux réseaux sociaux. Hier sur Instagram, aujourd’hui au travers d’un jeu vidéo nommé « Daddy », qui propose à Mara, jeune fille de 13 ans, de devenir une star du cinéma.

Photo Ziferte Productions

Le spectacle s’ouvre sur un jeu vidéo sur écran géant, où les bons doivent tuer les méchants, enfin on suppose, dans un univers artificiel, avec armes de guerre et fuite en hélico. On passera ensuite au réel d’une famille, les parents esclaves de leurs patrons, trois adolescentes qui supplient qu’on les laisse sortir le soir. Accent méridional. Peu ou pas de loisirs, on vit, mais c’est tout dans une atmosphère sombre sur le plateau.

Et sans crier gare, voilà la plus jeune, Mara, bavardant avec un inconnu sur un réseau social, dont elle découvre le visage (beau gosse), qui lui propose de devenir une star, lui faisant miroiter un univers enchanté au travers d’un avatar, un Daddy. C’est Lila Houel, novice au théâtre qui tient le rôle de Mara : mimiques d’ado, aux yeux bleus d’une expressivité incroyable, elle fascine autant qu’elle se laisse séduire par le discours de Julien (Louis Peres)…

Le reste est métaphores, on zigzague entre théâtre et monde virtuel ; on pense d’abord à une dénonciation de la pédocriminalité, ce n’est pas d’une clarté évidente, pour plonger dans le monde des stars avec robes à paillettes, gourous qui se remplissent les poches en profitant de la naïveté de jeunes filles (et garçons). Avouons qu’on s’y perd un peu quelquefois ! Avec un final autant éblouissant qu’angoissant où Marion Siéfert pense que la jeunesse n’est pas perdue et qu’elle saura se libérer de l’emprise de tous ces charlatans et profiteurs d’internet (pas sûr !).

Photo Ziferte Productions

Spectacle mêlant théâtre, danse (fabuleux moments chorégraphiés), musique (chansons interprétées en direct sur le plateau) et bien sûr vidéo, le tout enveloppé d’une neige tombant parfois à profusion des cintres, tel un monde qui en cache provisoirement un autre.

Au passage, notons cette scène curieuse où l’actrice Lou Chrétien-Février se livre à un numéro osé en se promenant parmi le public, quémandant un mouchoir, numéro qui rappelle étonnamment celui de « Cécile » vu lors des Soli au CDN d’Orléans il y a quelques jours.

Quant au public orléanais qui voudrait voir le spectacle, peut-être sera-t-il programmé au CDN lors de la prochaine saison théâtrale, mais rien n’est moins sûr…

(1) Depuis la création à l’Odéon, l’entracte a été supprimé.

Lila Houel (3ème à partir de la droite) – Photo B.T.

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