Suspendu depuis la mi-janvier 2023 puis licencié de son poste de directeur du Fonds Régional d’Art Contemporain installé à Orléans, Abdelkader Damani conteste les accusations portées contre lui et apporte des témoignages qui étaieront sa défense devant le Tribunal administratif
Par Jean-Jacques Talpin
Par lettre du 14 novembre 2023, la présidente du Frac (Fonds régional d’art contemporain) Centre Val de Loire, Carole Canette, a signifié au directeur Abdelkader Damani, son licenciement pour « insuffisance professionnelle » avec effet au 19 janvier 2024. Cette décision était attendue depuis la suspension d’Abdelkader Damani afin que soit diligentée une enquête administrative interne confiée à un cabinet d’avocats prestataire du Conseil régional et dont la mission était, selon l’ancien avocat Patrick Communal, « de fait, sinon de droit, de constituer le dossier à charge qui permettrait de justifier ce licenciement, même si, en définitive, cette enquête ne dégage pas vraiment d’éléments tangibles ». Patrick Communal en profite pour regretter que peu de personnes aient manifesté un soutien à « celui qui avait ouvert à un public populaire les portes de l’art contemporain ». A terme, ce licenciement devrait être contesté devant la juridiction administrative où seront en particulier examinés des éléments nouveaux qui apportent un éclairage « assez singulier » sur les circonstances ayant conduit Carole Canette à engager la procédure de licenciement.
« Imposer le silence »
Magcentre a déjà consacré plusieurs articles et tribunes à cette crise interne au FRAC. Ces articles seraient d’ailleurs à la source d’un des motifs du licenciement comme l’écrit Carole Canette à M. Damani : « Vous avez méconnu le devoir de réserve qui vous incombait en tant que directeur du FRAC, en vous exprimant dans la presse à plusieurs reprises au moment de votre suspension par le conseil d’administration et en mettant en cause la Présidente du FRAC. Ces faits qui auraient pu recevoir une qualification disciplinaire sont aussi les signes de votre incapacité à comprendre votre positionnement institutionnel et à assumer le rôle que les textes et le statut que l’EPCC* vous confèrent… »
Une affirmation qui interpelle l’homme de droit Patrick Communal : « On peut, au-delà, s’interroger sur la conception que la présidente socialiste du FRAC et les alliés politiques qui la soutiennent se font des relations de travail et des droits des salariés lorsque la réputation et l’honneur d’un homme sont publiquement mis en cause dans une procédure humiliante pour lui et intimidante pour les personnels qu’il encadrait et qu’on entend pour autant lui imposer le silence ».
Un cadre pas au-dessus de tout soupçon
Cette présence de M. Damani dans la presse s’expliquerait d’ailleurs par l’absence de relations entre la présidente du FRAC et son directeur puisque le Directeur du FRAC rapporte n’être jamais parvenu, en deux années, à obtenir un entretien en tête à tête avec sa présidente. Mais ce licenciement trouverait son origine dans une altercation entre le directeur et un cadre administratif du FRAC. Le tribunal administratif, s’il est saisi, devra donc examiner de nouveaux éléments. Ainsi ce cadre administratif, faisait l’objet d’une enquête pour harcèlement de la part de l’Inspection du travail à la suite de la plainte d’une salariée qui a fini par démissionner mais cette enquête aurait été mise « sous le boisseau » après la suspension du Directeur. Par ailleurs, les avocats du directeur du FRAC auraient reçu, à la suite des articles que nous avons publiés, un certain nombre de témoignages émanant de trois institutions culturelles ayant employé ce cadre administratif, témoignages qui suggéreraient « un comportement toxique et manipulateur » de ce dernier.
Manipulation ?
Les faits relatés montreraient que ce cadre aurait usé d’un « langage parfois violent vis-à-vis de subalternes ou de supérieurs hiérarchiques, qu’il a pu harceler une salariée en vue d’obtenir des faveurs sentimentales, et qu’il dénigrait les directeurs d’établissement pour les déstabiliser tant en interne vis-à-vis des personnels que des tutelles ou des conseils d’administration ». L’un des témoignages mettrait notamment en évidence un « comportement particulièrement inapproprié face au représentant d’une collectivité locale partenaire ». A la lecture de ces témoignages, les défenseurs d’Abdelkader Damani ont acquis la conviction qu’il aurait été victime, en interne, « d’une manipulation, sans qu’il soit permis d’établir à ce stade si dans cette affaire la présidente a fait preuve d’un manque total de lucidité ou de cynisme, exploitant l’incident avec ce cadre administratif pour aboutir à ses fins. »