Le CADO embarque le public loirétain dans le merveilleux « Voyage de Gulliver »

Du 8 au 15 décembre, le théâtre d’Orléans s’est enivré du conte de Jonathan Swift, librement adapté par Valérie Lesort, où les marionnettes lilliputiennes, vrais bijoux aux couleurs chatoyantes, dansent, crient, chantent, et dégustent au final des œufs sur le plat.

Par Bernard Thinat

Mathieu Perotto (Gulliver) en compagnie de quelques “marionnettes” – Photo B.T.

Jonathan Swift

L’écrivain est né à Dublin en 1667 et meurt dans la même ville en 1745. Il n’a cessé tout au long de sa vie de voyager d’Irlande en Angleterre. Il écrit soit sous son vrai nom, soit sous pseudonyme, de multiples pamphlets, tel « l’Art du mensonge politique » paru en 1733 où l’auteur conseille « d’instituer une véritable société des menteurs pour rationaliser la production de mensonges politiques », ou encore de « ne pas outrepasser les bornes du vraisemblable ».

Mais son œuvre littéraire la plus connue est évidemment « Les Voyages de Gulliver », parue en version censurée en 1726, et en version complète en 1735. Il comprend quatre parties dont celle se déroulant sur l’île imaginaire de Lilliput dont, comme il se doit, les habitants sont des Lilliputiens, hauts de 15 cm. Il s’agit de l’épisode librement adapté par Valérie Lesort. Le voyage à Lilliput a souvent été illustré pour la littérature jeunesse, ce qui en a fait dans la pensée commune, un livre pour enfants. En fait, quand on se penche réellement sur le texte, on constate de très fortes résonances philosophiques.

Photo Fabrice Robin

Le spectacle

Valérie Lesort a globalement respecté l’histoire, mis à part le final, où pour réconcilier les rois de Lilliput et de Blefuscu, il leur sert à tous deux, un œuf sur le plat, recette que les deux rois ne connaissent pas. Mais on y retrouve le naufrage, l’arrivée sur l’île, divers personnages lilliputiens, adorables avec lui ou franchement dangereux, les raisons de la guerre entre Lilliput et Blefuscu, à savoir l’affaire de l’ouverture des œufs à la coque.

Seul comédien en chair et en os sur le plateau surélevé, Mathieu Perotto tient le rôle de Gulliver. Grand de taille, à l’attitude un peu dégingandée face aux marionnettes lilliputiennes, il semble avoir trouvé la bonne attitude sur scène, faite de respect, de courtoisie, de déférence face à des créatures qu’il pourrait écraser. En face, une multitude de marionnettes qui apparaissent en fond de plateau, seul le visage est humain, sept acteurs et actrices faisant mouvoir bras et jambes aux merveilleux personnages créés par Carole Allemand et Fabienne Touzi du Terzi, il est bon de les nommer. Excellente mise en scène de Valérie Lesort et de Christian Hecq, ce dernier sociétaire de la Comédie-Française, et remarquables intermèdes musicaux chantés, rock, folk, avec ce côté comédie musicale enivrante.

Photo Fabrice Robin

Connotations politiques et sociétales

Certes, on peut regarder ce spectacle par son côté merveilleux, car il s’agit d’une vraie merveille offerte aux spectateurs en ce mois de décembre, sorte de cadeau de Noël avant l’heure offert au public loirétain. Mais on peut y voir bien plus que cela. Lorsque Gulliver demande à un Lilliputien « Pourquoi tu es minuscule ? » et que l’autre lui répond « Pourquoi tu es énorme ? », on remplace les deux termes par Blanc et Noir et tout fonctionne. On y voit un maître fouetter son esclave, l’empereur trancher la tête d’un ministre, deux rois se faire la guerre pour une histoire sans queue ni tête, on y parle corruption et enrichissement à peu de frais en faisant travailler ce géant qui peut remplacer 128 Lilliputiens à lui tout seul. Certains patrons en rêveraient !

Autre manière d’appréhender le spectacle, lequel a reçu deux Molières en 2022, celui de « la Création visuelle et sonore », et celui du « Metteur (et metteuse, c’est moi qui précise) en scène dans un spectacle de théâtre public ». Quoiqu’on pense des Molières, c’est amplement justifié.

Spectacle tous les soirs jusqu’au 15 décembre : billetterie


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