Marc Lainé, directeur du CDN de Valence et metteur en scène, était de passage à Orléans durant deux soirées avec une œuvre où théâtre et vidéo fusionnent dans une affaire scabreuse quand médium, réincarnation, mythomanie, avec références appuyées à Faust et Marguerite, viennent troubler le public.
Par Bernard Thinat
Photo Christophe Raynaud de Lage
Sur le plateau, un salon, une baie vitrée au fond donnant sur un paysage de rêve avec les hautes falaises du Vercors, une femme, Marianne, et son ordinateur portable, on apprendra qu’elle tente d’écrire un scénario de film. Une caméra se promène et envoie ses images sur un écran géant au-dessus de la scène. Un livre de Goethe apparaît succinctement, on se dit que cela aura quelque importance pour la suite. Survient une autre jeune femme, envoyée par le producteur pour aider à l’écriture du scénario. La rencontre se passe mal entre ces deux femmes. Le spectateur se dit que la suite du spectacle pourrait bien avoir comme objet, le scénario d’un film, d’autant que la seconde reviendra sur le plateau à plusieurs reprises nous expliquant les ellipses à la manière d’une voix off au cinéma. D’ailleurs, le public féru de 7ème art, retrouvera sans aucun doute, quelques flashs de films US très connus. Au final, l’intuition aura été la bonne.
Cette cinéaste, Marianne, réfugiée dans un chalet en plein Vercors, ne sait pas ce qu’est devenu son mari, Lucas, disparu sans laisser de traces lors d’une randonnée. Plusieurs flash-backs (on peut tout au théâtre) nous le font revenir. Passe une amie du couple, Julie, un peu plus qu’amie avec Lucas (litote), le mari disparu. Quand survient sans crier gare, un homme étrange, Medhi, prétendant être possédé par l’esprit du disparu, portant sa voix, sachant tout de la vie antérieure du couple, connaissant l’endroit exact du cadavre du disparu. Mais la possession du corps de l’un par l’esprit de l’autre ne saurait durer qu’un court moment, par intermittence.
Photo Christophe Raynaud de Lage
Marc Lainé a creusé très loin son scénario, dont je ne révélerai rien de la suite. On ira de rebondissements en découvertes de la vie du trio, Lucas et ses deux femmes, le périple se terminant à New York. Son théâtre laisse une très large place au cinéma, les caméras visibles ou non, tenues par une cadreuse, ou sur des chariots coulissants, ou tout simplement invisibles, font que le spectateur a tendance à trop regarder l’écran, et pas assez le plateau, d’autant que la présence du disparu sur scène lors des « réincarnations » jette un sacré trouble.
Marie-Sophie Ferdane, qu’on a déjà vue au CDN d’Orléans à plusieurs reprises, est une Marianne exceptionnelle, dans un rôle époustouflant de femme éperdue entre un mari mort et ressuscité. Un spectacle de près de deux heures un quart, sans temps mort, qui tient le public en haleine, se demandant comment on va sortir d’un tel scénario, et une salle Barrault presque pleine, mêlant toutes les générations et une forte présence de la jeunesse étudiante orléanaise, ce qui est rassurant.
Marie-Sophie Ferdane, 3ème à partir de la droite – Photo B.T.
« En travers de sa gorge », spectacle créé au CDN de Valence en septembre 2022, présenté au Théâtre Olympia – CDN de Tours en mai 2023, à la Maison de la Culture de Bourges fin novembre 2023 et qui sera repris au théâtre du Rond-Point à Paris en mars 2024.
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