Dans « L’écrivaine et les narcotrafiquants », son 14e ouvrage, Marie Lincourt joue à la scénariste belmondienne. Quand son héroïne se pique d’aventures hallucinantes, on ne craint qu’une chose, en devenir addict.
Par Jean-Luc Bouland
« Antonio, il faut absolument trouver un moyen de reprendre la main sur le récit, sinon on va y laisser notre peau ». Juste une phrase, en page 66 du dernier roman de Marie Lincourt, pour résumer toute l’histoire de cette aventure épique qui se terminera 100 pages plus tard par une conclusion renversante, à la mesure de la malice de son auteure. La dame n’en est pas à son premier adorable forfait, après la publication en plein confinement du joyeux « Les Jambes à son cou ». Mais là, le ton, toujours enlevé, est affiné, moins calembouresque, moins « san-antoniodesque », diraient certains, pour aborder sous un ton presque ludique des sujets graves, explorant à sa façon la condition féminine à travers le monde. Un peu comme si 50 ans après, le Belmondo du Magnifique avait laissé la place à Jacqueline Bisset dans le premier rôle, et que Philippe de Broca s’était fait voler sa caméra par Marlène Schiappa. Les personnages masculins sont aussi chauds que machos, et c’est décapant. Jugez plutôt.
Action et sexe didactique
« Plongée dans l’écriture de son dernier roman, Lucy voit soudain Antonio, son personnage principal, surgir dans la réalité. Saisissant rapidement son poignet, ses yeux reflètent une terreur insurmontable. Il est pourchassé par la mafia et accuse Lucy d’en être la cause ». Glups ! Madre de Dios ! Caramba ! Mille sabords et autres scrogneugneu. La dame ne lésine pas sur la dose de frayeur jubilatoire. Car vous découvrirez vite que « convaincu que son seul salut est de la kidnapper, Antonio entraîne Lucy dans un tourbillon à travers les univers qu’elle a créés ». Fichtre ! Malgré ses tentatives d’évasion, la belle auteure, même pas quarantenaire, ne tardera pas à sombrer dans le chaos de ses propres récits, la tête en folie et le corps en pâture à quelques mâles peu charmeurs aux actes délictueux qui la marqueront au plus profond d’elle-même, et pas seulement au figuré.
« Je venais d’être violée sauvagement, j’étais blessée au plus profond de mon être, nous risquions à tout moment d’être tués, nous étions la proie d’un gang, et soudain j’éprouvais un désir intense pour un Antonio que j’avais moi-même créé » (p67). Leur fuite presque romantique les conduira ainsi de la France au Mexique, en Haïti, confrontés aux rites vaudous, en Afghanistan et à la domination masculine omniprésente, et finalement sur une île déserte. On s’y croirait presque, sans temps morts, mais pas sans cadavres, ni messages féministes des plus sensés. « La burqa me donnait le sentiment d’être mise en cage. Il y faisait une chaleur étouffante. J’avais du mal à respirer, et la désagréable impression d’être devenue une mouche, à cause du grillage qui obscurcissait ma vue et me découpait en petits carrés ce que je pouvais voir » (p119).
Le tout se lit à un rythme effréné, le style est alerte, les situations aussi improbables que bien argumentées. Et si les descriptions des plus réalistes des actes sexuels imposés sont réservées à un public adulte, c’est peut-être pour mieux faire comprendre à ces adultes comment peuvent être vécus par une femme les fantasmes masculins de la littérature et des films d’espionnage traditionnels.
- L’écrivaine et les narcotrafiquants – Marie Lincourt – Ed du Lys bleu – 19€70 – 165 pages.
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