Orléans : des jeunes sur scène et dans la salle pour trois pièces de danse contemporaine

L’Ensemble Chorégraphique du Conservatoire Supérieur de Musique et de Danse de Paris, dans le cadre de ses formations, a monté une soirée de danse contemporaine regroupant trois pièces. Celle de Trisha Brown, créée en 1983 à New York, appartient déjà au répertoire. Les deux autres, l’une de Mathilde Monnier, l’autre de Maud Le Pladec, sont des créations plus récentes. Elles ont été jouées vendredi soir à la Scène nationale d’Orléans.

Par Bernard Cassat

Sezt and Reset de Trisha Brown. Photo Ferrante Ferranti


La première pièce, Set and Reset, de Trisha Brown, illustre à merveille ses collaborations avec des musiciens et des plasticiens. La profonde entente entre la musique de Laurie Anderson et la danse n’est ni illustrative, ni implicative. Toutes deux évoluent en même temps pour créer un univers commun, un univers de douceur, de continuité, d’énergie calme dans laquelle la salle entière baigne petit à petit. Laurie Anderson, sur un rythme répétitif de clochettes, joue une mélodie forte et puissante, dans les graves. Les onze danseurs.euses au contraire évoluent dans la légèreté, avec une grâce élégante, sans jamais se rassembler complètement mais sans jamais quitter le groupe non plus. Fluide comme un ruisseau ou comme une agora où les gens se croisent, jouent, s’en vont, reviennent pour la seule raison qu’ils aiment ça, qu’ils sont bien là, qu’ils s’entendent avec l’autre. Musique envoûtante, danse magnifique, accord réjouissant, le tout dans des costumes simples qui gomment le genre pour ne laisser que des gestes aimables discuter entre eux. La précision des danseurs.euses, la maitrise de leur exécution, la nonchalance fluide de chaque élément font de cette pièce un jeu dionysiaque absolument délicieux.

Répétition d’Archipel par la troupe de l’Opéra Théâtre de Tunis, où la pièce a été créée. Photo


Mathilde Monnier va plus vers la confrontation. Déjà, les danseurs.euses rentrent sur scène sans musique, et regardent le public dans les yeux. Une pulsation de machine les met collectivement en mouvement. Tous ensemble. La notion de groupe est ici première. Les danseurs.euses finissent alignés, avec ensuite une certaine difficulté à reconquérir leur individualité. La musique assez mécanique de Radwan Ghazi Moumneh installe des gestes qui se propagent au groupe pour finalement s’imposer, s’emballer et installer un univers quasi industriel. Avec des rendements soutenus, qui s’affolent jusqu’à ne plus pouvoir suivre. C’est très fort, ça demande une précision rigoureuse que l’Ensemble Chorégraphique réalise parfaitement. La rudesse de cette pièce amène une esthétique très prenante, la puissance du groupe qui se cale petit à petit sur un geste fascine et entraine la salle.

27 perspectives de Maud Le Pladec. Photo Konstantin Lipatov


Maud Le Pladec part d’une idée intéressante de distorsion de la Symphonie inachevée de Schubert. Le tout début, classique au possible, séduit. Les onze danseurs.euses se glissent avec bonheur dans cette musique imposante. Mais la bande son déraille. L’énorme travail de Pete Harden sur la musique de Schubert amène à des digressions sonores passionnantes. La danse, par contre, déclare forfait. La scène se vide tout le temps, ou lance un seul personnage sur cet immense plateau qu’il parcourt en marchant ou en courant, ce qui ne suffit pas pour l’habiter vraiment. Les gestes ne renvoient ni à la mise en perspective de la musique annoncée dans le titre, ni à aucune autre narration ou ambiance quelconque, ni à un déraillement de la danse installée au début. Les portages/passages ne débouchent pas, semblant seulement un jeu mécanique. Alors que des possibilités énormes sont disponibles (en espace, en danseurs.euses excellents, en moyens techniques), la danse n’est vraiment présente que dans les quelques regroupements classiques qui interrompent les digressions.

La suite de trois pièces bien différentes dans les styles et les intentions permet, non seulement aux « apprentis » danseurs du Conservatoire de se rôder aux spectacles, mais aussi au public de comparer les créations. Trois générations de chorégraphes qui s’inscrivent dans la danse contemporaine de recherche, trois styles dansés par le même groupe de danseurs.euses. Le public jeune de la salle Touchard, comble, a apprécié !

Une version revisitée par Anne-Karine Lescop de “27 Perspectives Mobiles” de Maud Le Pladec sera présentée le samedi 23 mars à Orléans, avec 27 amateurs sur scène.


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Commentaires

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  1. Encore bravo et merci pour ce si sensible article enrichissant de Bernard Cassat associant savoir et vécu.

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